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BOURDONl’évolution phonétique du langage

Les causes véritables du changement phonétique sont encore, il faut bien l’avouer, et si on excepte les causes ethnologiques, mal établies. L’action du milieu physique en particulier, qu’il semble d’abord si naturel d’admettre, est contestée. Ce qui fait la difficulté dans la recherche de ces causes, c’est que leur action n’a pu être qu’infinitésimale, étant donnée la préparation énorme qu’elles rencontraient, notamment dans les conditions phonétiques de l’articulation ; ainsi, comme on l’a vu, il a suffi souvent d’une différence d’accentuation pour que deux articulations évoluassent diversement. Remarquons pourtant que la recherche serait plus difficile encore si elle portait sur le langage d’un seul individu et sur toutes les modifications à peine perceptibles que sa prononciation peut subir aux divers moments de son existence.

En tout cas, sous l’influence de ces causes peu connues, le langage se modifie sans cesse et évolue. Cette évolution se produit par degrés infiniment petits, comme on peut souvent le constater et comme on le conclurait de ce fait que le langage de chacun de nous est un ensemble de mouvements très habituels, où le moindre changement considérable surprendrait. La solidité de ces habitudes, l’inconscience des éléments du mot font que, dans une société fermée, l’on doit s’attendre à une grande uniformité dans le changement produit. Pourtant, quoique la plupart de nos mouvements d’articulation soient très habituels, il en est parmi eux qui, grâce notamment à une répétition plus grande, à l’intérêt particulier qui s’attache à ce qu’ils signifient, sont plus familiers encore que d’autres. De là ces simplifications qui tendent à se produire, les plus familiers se substituant aux moins familiers, lorsque ceux-ci leur ressemblent déjà suffisamment.

B. Bourdon.