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mes d’un verbe sur les autres doit tenir à leur analogie phonétique et à un groupement fréquent de ces formes : ainsi nous groupons des formes verbales en apprenant à conjuguer les verbes. S’il se produit ici une influence du sens, ce ne peut être qu’une influence analogue (elle est assurément possible) à celle que nous avons signalée tout à l’heure dans les cas de contamination dans j’aimeti, etc., c’est-à-dire reposant non pas sur l’analogie, mais sur l’identité de signification. On peut admettre que, dans une certaine mesure, la conscience décompose aime et aimons en deux parties dont l’une am-, aim-, représentant le radical, signifie, pour toutes les personnes du verbe, la même idée ; aim- pour am- serait, à ce point de vue, une sorte de contamination.

Viennent enfin les analogies formelles, les plus nombreuses de l’avis de tout le monde. Elles ont pour cause une identité de fonction grammaticale ; ainsi on dit Σωκράτην au lieu de Σωκράτη, comme on disait Ἀλκιβιάδην ; le peuple dira quelquefois en France : faisez, mouver, etc., pour faites, mouvoir, etc. En grec, des verbes en -μι, comme on l’a déjà fait remarquer, se sont changés en verbes en et réciproquement. Ces analogies peuvent être de nature entièrement créatrices, c’est-à-dire ajouter à un mot une terminaison qui lui était entièrement inconnue jusqu’alors : ainsi on écrirait en français au pluriel des Marks, avec une s ; ou complètement modificatrices, comme quand en latin un génitif en us est transformé en un génitif en i ; ou elles peuvent encore être des phénomènes de contamination, c’est-à-dire partiellement modificatrices, ainsi χρυσᾶ, d’après ἀγαθά, mais avec maintien de l’allongement qui se trouvait dans l’η final primitif. Dans tous les cas, le phénomène a la même cause, savoir non pas l’analogie, mais l’identité de fonction grammaticale. En d’autres termes, il n’y a ici psychologiquement aucune trace de raisonnement par analogie : il y a partout la même idée à exprimer, et elle s’exprime, par exemple, par le mot le plus usuel, ou si deux mots également usuels se présentent en même temps, il en peut résulter une contamination. L’influence de l’analogie purement phonétique n’est ici d’ailleurs nullement exclue, au contraire il est tout naturel de supposer que dans un cas comme Σωκράτην, l’analogie phonétique a joué un certain rôle en même temps que l’identité de sens.

En somme on a eu tort de considérer l’analogie comme un moment psychologique s’opposant au moment physiologique constitué par les lois phonétiques. La base de toutes les analogies véritables, c’est quelque analogie simplement phonétique, qu’on peut constater après que la simplification a été produite, mais dont on n’a nulle