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donc évidemment l’analogie phonétique pouvant exister entre ἠμεῖς et ὑμεῖς qui sert de base immédiate à la simplification en ἡμεῖς ; c’est comme un chasseur qui dans deux positions analogues tire deux fois trop à droite, par exemple ; ce n’est pas l’analogie du but, savoir tuer le gibier, qui cause l’analogie d’erreur dans le tir, c’est l’analogie des mouvements à faire en tirant. Si ἠμεῖς fait penser à ὑμεῖς, c’est donc parce qu’il lui ressemble phonétiquement ; en effet, on a toute une partie -μεῖς commune aux deux mots, indépendamment de l’analogie existant encore entre l’esprit doux et l’esprit rude. Il est encore un phénomène physique qui peut expliquer l’action des pronoms les uns sur les autres, c’est qu’ils sont souvent prononcés ensemble.

Brugman, Osthoff, ont signalé dans les noms de nombre des analogies que Misteli rapporte aussi aux analogies de sens et qui s’expliquent comme l’esprit rude de ἡμεῖς : ainsi ὀκτάπους au lieu de ὀκτώπους, d’après ἑπτάπους ; πεντάπους à côté de l’ancien πεντέπους, etc. ; latin vulgaire octember pour october, d’après september, etc.[1]. En particulier à l’égard des nombres, on doit nier l’action du sens pour cette raison que nous n’avons à partir des nombres 3 ou 4 que des idées très vagues, indiscernables, de ces nombres ; ainsi, quant au sens, la majorité d’entre nous n’est pas capable certainement de distinguer suffisamment 7 de 8, surtout s’il s’agit d’images intérieures : les nombres un peu élevés ne se distinguent guère pour la conscience que par leurs noms. Les simplifications précédentes ne s’expliquent donc que par cette circonstance que les mots considérés ont été souvent prononcés ensemble, de là un critérium de la vraisemblance d’une action analogique dans des cas semblables seront invraisemblables les explications par l’analogie qui ne pourront prouver que les mots supposés avoir agi l’un sur l’autre se rencontraient fréquemment ensemble. Il est presque superflu d’ajouter que ces mots devaient, d’ailleurs, être déjà phonétiquement analogues[2].

Il n’est qu’un cas où il paraisse légitime de faire intervenir directement le sens, c’est quand il s’agit d’analogies comme celles qui nous font donner à un mot une terminaison entièrement nouvelle ou remplacer sa terminaison antérieure par une autre entièrement différente. C’est ainsi qu’ et -μι se sont souvent en grec remplacés l’un l’autre à la fin des verbes. Un exemple curieux du même fait,

  1. Osthoff, Formassociation bei Zahlwörtern, dans les Morphologische Untersuchungen d’Osthoff et Brugman, t.  I, p. 92 et suiv.
  2. Ajouter encore que, dans les exemples précédents, il devait y avoir vague tendance à considérer la terminaison ember, par exemple dans les noms de mois september, november, etc., comme exprimant une sorte de fonction grammaticale, et comparer alors ce qui est dit plus loin sur les analogies formelles.