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i en oi dans boire (de bibere), voie (de via), soit (de sit), et de c (prononcé K) en ch dans chanter, choir, champ, chien (de cantare, cadere, campus, canis), d’u latin (prononcé ou) en u français dans pur, lune, etc. Une distinction importante consiste à reconnaître deux espèces de changements phonétiques, le changement spontané, c’est-à-dire celui dans lequel une articulation se substitue à une autre indépendamment des autres articulations qui peuvent l’avoisiner, et le changement dépendant ou combinatoire[1], où tel n’est plus le cas : ainsi les cas d’assimilation, quand par exemple le c s’assimile en italien au t dans fatto, perfetto, detto, etc., les lois spéciales qui régissent les articulations quand elles se trouvent à la fin des mots, etc. Une classification également importante est celle qui reconnaît trois groupes principaux de changements correspondant aux trois organes principaux qui participent à la production des articulations du langage. On a ainsi : 1o les changements phonétiques dus à des modifications survenues dans l’appareil antérieur buccal et nasal ; de ce genre sont les substitutions de voyelles ; l’u et l’eu peuvent devenir par exemple respectivement i et e si l’arrondissement des lèvres qu’ils impliquent vient à disparaître ; 2o les changements dus à une modification produite dans l’action des cordes vocales ; c’est ainsi qu’une sonore peut se transformer en sourde ou réciproquement ; 3o les changements dus à une modification de l’expiration, par exemple les changements différents auxquels sont soumises les articulations accentuées et les articulations non accentuées[2].

II

Nous allons maintenant aborder les conditions et causes des chan-

    émettons, sans que ces modifications paraissent laisser de trace durable dans notre langage. De ces modifications passagères, les unes tiennent à l’émotion qui peut s’attacher à une idée particulière et qui nous fera alors émettre plus fortement, par exemple, le mot correspondant, les autres se rattachent aux lois rythmiques ou musicales de la phrase. L’étude de l’accent rentre évidemment dans l’étude des changements quantitatifs ; de même l’étude de l’allongement et du raccourcissement des voyelles.

  1. Sievers, Grundzïtge der Phonetik, p. 227
  2. D’après le phénomène qu’on appelle en allemand « die erste Lautverschiebung », ailleurs de préférence « loi de Grimm », les articulations indo-européennes k, t, p se changent, en germanique, en le son sifflant qui leur correspond (h, f, anglais th) : ex. caput et Haupt, pater et Vater, mater et mother. Mais il n’en est ainsi, comme on l’a reconnu plus tard, que quand l’accent se trouve immédiatement avant les articulations en question ; quand il les suit, k, t, p se changent non plus en la sifflante qui leur correspond, mais en la douce (g, d, b). C’est la loi de Verner. — Voy. Verner, Eine Ausnahme der ersten Lautverschiebung, Kuhns Zeitschrift, Bd. XXIII. — Sur le rôle de l’accent en français, voy. G. Paris. Étude sur le rôle de l’accent latin dans la langue française.