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BOURDONl’évolution phonétique du langage

qu’elle a également quelque importance pratique quand il s’agit d’apprendre à un Français par exemple à prononcer le th anglais ou le ch allemand. Beaucoup d’élèves, après avoir fait sept ou huit ans d’anglais, sont encore incapables d’articuler convenablement the qui y seraient arrivés en quelques semaines si le professeur, au lieu de s’être contenté de s’adresser à leur oreille, leur eût dit et montré dans quelle situation doit se trouver la langue quand on veut prononcer the.

En résumé, la science actuelle du langage est la science des mouvements articulatoires qu’on fait quand on parle et non pas celle des sons émis ni des mots écrits. Disons quelques mots maintenant du mécanisme de l’articulation en général. Il implique trois parties principales : l’appareil respiratoire, le larynx avec les cordes vocales, et enfin les cavités antérieures, buccale et nasale, avec leurs annexes, langue, dents, partie dure et partie molle et mobile du palais, etc. L’appareil respiratoire fournit le courant d’air nécessaire, mais insuffisant par lui-même, pour produire le son. Le son se manifeste par suite des modifications que font subir à ce courant d’air soit le larynx soit l’appareil antérieur (cavités buccale et nasale). Ce dernier, dans notre parlé habituel, peut agir indépendamment du larynx et produit ainsi ces bruits que nous appelons consonnes ; le larynx, au contraire, n’agit ordinairement qu’en compagnie de ce même appareil antérieur : c’est ainsi que les diverses voyelles naissent par une combinaison de positions du larynx et de positions des organes placés dans la cavité buccale ; cependant ici c’est le larynx seul qui résonne, ou plus exactement c’est lui qui donne le son fondamental ; le rôle de l’appareil buccal n’est que de modifier le timbre du son émis par le larynx ; physiquement, on sait en effet que les voyelles ne diffèrent entre elles que par le timbre. Lors de la production des consonnes, il peut y avoir aussi intervention du larynx ; alors on a les consonnes sonores, par opposition aux consonnes sourdes, dans lesquelles le larynx ne résonne pas. Ainsi b et p, g (dans gué) et k, j et ch, etc., se distinguent surtout par la présence dans un cas, l’absence dans l’autre, de cette vibration du larynx. Cette distinction de consonnes sourdes et sonores est extrêmement importante, non seulement théoriquement, mais encore pratiquement. Pratiquement, elle fournit à l’Allemand (et réciproquement au Français) un moyen de reconnaître un Français qui parle allemand et prononce le d de und, le b de ab, etc., sonores, comme il prononcerait ces mêmes lettres en français, tandis qu’il sont sourds et doivent en conséquence être prononcés presque comme t et p.

Nous avons fait tout à l’heure allusion à cette différence existant