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INTRODUCTION À LA SCIENCE PHILOSOPHIQUE[1]


III. LA SCIENCE ET LA CROYANCE EN PHILOSOPHIE


I

Le conflit de la science et de la croyance est de tous les temps. Partout où il y a eu des savants et des prêtres, il y a eu lutte entre les uns et les autres. Les savants veulent que l’on pense ; les prêtres veulent que l’on croie ; les uns font appel à la liberté de l’esprit ; les autres exigent la soumission de l’esprit. Le conflit est devenu surtout remarquable depuis l’avènement du christianisme. Dans l’antiquité païenne, il y avait si peu de dogmes, et des dogmes si indéterminés et si mêlés d’imagination, que le conflit de la philosophie et de la théologie n’avait guère de prétextes. Si l’on excepte quelques vers de Xénophane, quelques passages de Platon, on voit que la philosophie a rarement pris à partie la mythologie. Les proscriptions des philosophes, telles que celles de Diagoras, d’Anaxagore et de Socrate, étaient plus politiques que religieuses, et avaient lieu au nom des lois de l’État plutôt qu’au nom d’une orthodoxie dominatrice. Plus tard, vers la fin du paganisme, les philosophes essayèrent plutôt de venir au secours de la religion chancelante par des interprétations rationalistes et philosophiques que de la combattre par la critique : c’est ce que firent par exemple les stoïciens et les alexandrins. L’épicurisme seul rompit avec la religion, qu’il appelait superstition, et vit dans la négation des Dieux et de la Providence le suprême affranchissement et la vraie béatitude.

Dans le christianisme, les dogmes sont devenus quelque chose de si concret, de si précis, de si savant, qu’il fallait une étude approfondie pour en fixer le sens, en déterminer les limites, en développer les conséquences. Ce fut l’objet d’une véritable science

  1. Voir les numéros du 1er mars et du 1er mai.