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société de psychologie physiologique

depuis lors, à chaque époque menstruelle, elle était prise d’une migraine horrible qui lui arrachait des cris et des lamentations, et était accompagnée de vomissements de bile durant une journée entière[1].

Que faire en pareil cas lorsque les agents thérapeutiques habituels ont été impuissants ?… Je n’hésitai pas, dès ma première visite, à tenter la magnétisation. Au bout de cinq minutes les souffrances disparaissaient et les vomissements s’arrêtaient. De légères douleurs abdominales persistaient un peu plus longtemps, mais l’application de ma main loco dolenti y mettait fin.

Et chaque mois ensuite il en fut de même.

Si mon arrivée tardait, les accidents continuaient ; mais à peine avais-je tiré la sonnette que Mme C., avant même que la porte de la maison fût ouverte, s’endormait dans le plus grand calme. Il en était tout autrement lorsque c’était une autre personne qui sonnait : la malade se plaignait vivement de ce bruit qui lui avait brisé la tête.

Plus tard, il arriva même que mon approche se fit sentir depuis l’extrémité de la rue : « Ah, quel bonheur, disait la malade, voilà le docteur qui arrive, je me sens guérie ! » M. C. ouvrait la fenêtre pour s’en assurer et m’apercevait dans le lointain. Et jamais sa femme ne s’est trompée. Si parfois il cherchait à la faire patienter en lui affirmant qu’il me voyait venir : « Ce n’est pas vrai, répondait-elle avec emportement, vois plutôt… » et un flot de bile emplissait la cuvette.

En pareille occurrence, comment aurais-je hésité à tenter l’influence à distance ? J’y fus d’ailleurs contraint par les circonstances. Au plus fort d’une migraine mensuelle, M. C., qui était déjà venu deux fois pour me chercher, s’informa où il pourrait me trouver. J’étais près d’une malade que je ne pourrais quitter que dans plusieurs heures peut-être. J’affirmai à M. C. — sans en être bien sûr — que sa femme serait endormie et guérie lorsqu’il rentrerait chez lui. C’est ce que j’eus la satisfaction de constater, trois heures plus tard, et je laissai durer jusqu’au lendemain un sommeil profond qui réparait les fatigues de la matinée. « La possibilité de la magnétisation à distance n’est donc pas douteuse, disent mes notes. Mais aujourd’hui se présente l’objection de l’auto-suggestion : j’étais attendu ; M. C. avait promis de me ramener avec lui.

Vais-je trouver un exemple plus probant ? Oui, certainement. Ce fut d’abord un acte de simple curiosité, sans but thérapeutique. On était au milieu du mois et Mme C. était en parfaite santé. Son nom venant à être prononcé devant moi, l’idée me vint de lui ordonner mentalement de dormir, sans qu’elle le désirât, cette fois, et sans qu’elle s’en doutât. Puis, une heure après, je me rendis chez elle et demandai à la servante qui m’ouvrit la porte si l’on n’aurait pas trouvé dans la chambre de Mme C. un instrument de ma trousse que j’avais égaré.

« N’est-ce pas la voix du docteur que j’entends ? demanda M. C. du haut

  1. La cause de la dysmenorrhée consistait dans un rétrécissement avec induration du col de l’utérus.