Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXVI, 1888.djvu/308

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
298
revue philosophique

I. — M. Glogau reste disciple de Fichte, disciple libre, et il se réclame en même temps de Steinthal. C’est pourquoi, d’une part, il estime que la connaissance est « devenue », devenue par la sortie de l’inconscience, et il propose, à la place de la dialectique absolue de Hegel ou des constructions logiques de Fichte, une genèse psychologique, telle que la psychologie des peuples nous la livre. Mais, d’autre part, il ne se place point sur le terrain de l’évolution proprement dite, ni comme moraliste ni comme esthéticien, et l’essence de l’esprit conscient et connaissant est à ses yeux mystérieuse et divine. Il distingue la conscience objective (qui ressort au Verstand), la conscience subjective (qui ressort à la Vernunft) et la conscience absolue : celle-ci est une espèce d’enthousiasme, ou de vue prophétique, qui prête sa valeur et son sens au subjectivisme du philosophe aussi bien qu’à l’objectivisme naïf de l’ignorant, et sans laquelle tout s’écroule.

D’après l’analyse de M. Glogau, les quatre aspects de l’être seraient : l’être absolu, ou divinité ; la vérité humaine et le monde (idéal de la connaissance) ; l’expérience de la vie, les faits ; la conscience de l’idée. L’idée serait le principe du mouvement de l’esprit ; l’être absolu aurait dans nos idées innées une sorte d’équivalent. Grâce à cette relation, l’esprit humain, en se développant, arriverait nécessairement à produire hors de soi-même l’idée de la divinité, et il s’attacherait ensuite, à la lumière de cette idée, à se comprendre soi-même et à comprendre l’univers. Tel serait le cercle de la connaissance.

Un besoin invincible nous pousserait donc à dépasser les faits sensibles et la logique formelle. Force n’est-il pas de les dépasser, dès qu’on veut échapper à la contradiction, par exemple, de la vue des nécessités sociales qui oblige le juge à punir, et de la vue naturelle qui montre la nécessité des actes ? D’ailleurs, le rapport du sujet à l’objet est encore problématique. Il faut bien que l’homme soit commensurable avec les choses, pour connaître le monde extérieur. Et il faut bien, pour connaître le monde intérieur, que le procès psychique appartienne à un événement général qui le maintient identique dans ses changements. L’échange entre les deux mondes se ferait par les idées, qui sont comme la périphérie du noyau qui est l’idée divine.

M. Glogau a le dessein d’achever son ouvrage par un tome troisième, qui traitera de la contemplation de la nature et de dieu. La deuxième partie de son présent volume est donnée à l’examen des idées telles qu’elles sont traduites pratiquement, soit par l’action, dans l’éthique, soit par l’intuition, dans l’esthétique, soit enfin par la réflexion, dans la noétique.

II. — M. Glogau, conformément à la méthode qu’on vient de voir, relègue au second plan la partie génétique de la question morale. La partie importante de l’éthique serait d’établir une conception centrale, d’où tout découlerait comme dans les mathématiques. Le caractère de la vie historique lui paraît être de dégager le bien qui est dans la nature, à travers les formes variées d’un même procès qui conduit de