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plusieurs autres du même genre. D’une manière générale, en effet, nous trouvons que le sujet annoncé par le titre même de l’ouvrage est en quelque sorte noyé dans des considérations et dans des discussions qui le débordent et le font trop souvent perdre de vue. Le plan de l’auteur est le suivant : I. L’esprit de nos universités et les derniers projets de réformes. II. Universités ou Écoles professionnelles ? III. La philosophie considérée comme trait d’union des sciences. IV. L’éthique ; l’éthique et le droit. V. Nos gymnases considérés comme écoles préparatoires aux universités ; propédeutique philosophique. Le seul examen de ce plan nous montre que le sujet annoncé n’y tient qu’une place fort restreinte. Avions-nous grand besoin, par exemple, du développement étendu que l’auteur nous donne (ch.  III) sur la philosophie comme trait d’union des sciences ? Quelle nécessité se faisait sentir de nous exposer l’utilité de la psychologie, de la logique, de la métaphysique même ? Dans tout cela où est le droit et où est la philosophie pratique ? Ce sont là des hors-d’œuvre, et nous ajouterons que l’auteur ne les justifie pas par une suffisante originalité dans les idées. Sans doute « tout est dans tout », mais si le principe de Jacotot peut rendre quelques services en pédagogie, personne ne l’a jamais pris, je suppose, pour une bonne règle de composition.

Lorsque maintenant l’auteur arrive à son sujet, on peut trouver qu’il ne le traite pas avec une suffisante précision. Il semble d’abord qu’il y ait quelque ambiguïté dans l’idée qu’il veut nous donner de l’influence de la science morale sur les études de droit et dans l’objet même de son exposition. Dans le premier chapitre, en effet, il paraît compter sur les effets pratiques de l’enseignement moral, et le considérer comme un moyen de réagir contre la dissipation et l’inconduite des étudiants ; espérance assez chimérique à notre avis. C’est encore au même point de vue qu’il se place dans le dernier chapitre. Ailleurs, au contraire, il n’est plus question que des avantages purement intellectuels et théoriques de cet enseignement dans les études de droit. D’autre part, sur ce dernier point, on s’attend à une exposition des rapports et des liens du droit avec la morale, et des services que la morale, surtout si elle acquiert un caractère réellement scientifique, pourrait rendre à la science juridique ; on voudrait voir quelle clarté ou quelle solidité la première pourra donner à la seconde et savoir si l’idée du droit naturel, transformée et fortifiée par la sociologie, est vraiment capable d’introduire dans le droit l’ordre et la systématisation d’une véritable science. Or l’auteur ne nous donne à cet égard aucune indication. Il nous donne à la place ce qu’on ne pouvait lui demander : une exposition doctrinale de la morale, exposition qui n’était pas utile en elle-même et qui ne pouvait être que fort insuffisante. De fait, nous ne saurions dire avec précision à quelle école M. Fechtner se rattache en morale, étant donné le mélange des formules du kantisme et de celles du naturalisme dans son exposition. Peut-être M. Fechtner a-t-il cherché précisément à n’être d’aucune école. Il paraît avoir eu en vue de