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Ions le croire, à l’originalité, des arguments courants tirés des aspirations du cœur, des injustices de la vie et des dangers d’une morale dépourvue d’une sanction supraterrestre. Ajoutons-y l’appoint des autorités les plus variées. Car l’auteur fait parler « la voix des siècles » pendant un chapitre entier qui va de Job à V. Hugo. Il ne manque pas non plus de passer en revue, pour y retrouver son dogme favori, toutes les grandes religions, sans nous faire grâce d’une analyse étendue du récit d’Er et du VIe livre de l’Enéide. L’histoire d’une croyance, quelle qu’elle soit, peut toujours avoir son intérêt, et même quelquefois, c’est peut-être ici le cas, un intérêt supérieur à celui de toutes les soi-disant démonstrations qu’on peut en donner. Mais encore n’est-ce pas faire une histoire que de transcrire sans commentaire une série de textes, ou de relater sans critique les divers credo de l’humanité. Ici d’ailleurs, comme dans la plus grande partie de son livre, M. V. Girard semble souvent oublier la nature propre de la doctrine annoncée dans son titre : ce n’est plus de la transmigration des âmes, de la théorie des existences successives qu’il nous parle, mais de la vie future en général.

Terre et Ciel est bien oublié. Etait-ce vraiment la peine de le refaire, et de le refaire ainsi ?

On n’attendra pas de nous que nous discutions les hypothèses de l’auteur, puisqu’il ne le fait pas lui-même. Nous voulons seulement signaler en terminant l’analogie de son attitude avec celle de cette curieuse secte spirite, aujourd’hui peu bruyante, mais dont les adeptes sont plus nombreux et plus fervents qu’on ne pense, et dont le développement au milieu de l’anarchie et de la dissolution actuelles des croyances est un phénomène psychologique, moral et religieux assez singulier. L’auteur s’y rattache-t-il ? Nous ne savons. Mais c’est bien la même foi en un certain surnaturel naturel, le même alliage de positivité et de mysticisme, la même pureté de convictions morales dépourvues de toute base scientifique, la même indépendance vis-à-vis des théologies établies, jointe à la même confiance en des dogmes que l’on donne comme purement rationnels et qui ne sont que sentimentaux.

G. Belot.

Dr R. Kœber. — Die Philosophie Arthur Schopenhauers. Heidelberg, Weiss, 1888. VII-319 p. in-8o.

M. Kœber nous a donné, il y a quatre ans, un résumé du système de M. de Hartmann. Il nous offre, dans le présent volume, un compendium de la philosophie de Schopenhauer, dédié à la mémoire de ce penseur original, dont le centenaire de la naissance venait justement le 22 février de cette année. M. Kœber n’a rien voulu mettre de son fonds dans ce compendium ; il a obéi à ce conseil de Schopenhauer lui-même, de ne pas parler entre les lignes, quand un autre parle. Il lui eût été facile, dit-il en un court avant-propos, d’épurer la doctrine du maître et de la présenter comme un système absolument plein et cohé-