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LA DIALECTIQUE SOCIALE


Sans entrer pour le moment en de longs préambules sur ce que nous entendons par logique sociale, supposons celle-ci déjà formée, ce qui suppose l’établissement d’institutions qui sont à la société ce que les notions fondamentales sont à l’individu, et voyons fonctionner ces grandes notions sociales. Ce fonctionnement est une sorte de dialectique, qui présente en effet avec la dialectique proprement dite des analogies dignes de mention.

Quand un homme discute ou bien délibère avec lui-même, ou quand il développe sa pensée et trame son plan (c’est là toute sa vie mentale à vrai dire), que se passe-t-il en son for intérieur ? Mille idées, mille moyens d’action se présentent successivement à sa conscience, apportés presque au hasard par sa mémoire en activité ou plutôt par les interférences plus ou moins heureuses de ses souvenirs ; et par ses souvenirs il faut entendre autant de courants distincts qui sillonnent son cerveau en tous sens et qui étendent ou entretiennent incessamment d’une cellule cérébrale aux autres la répétition d’un même état dynamique spécial (d’une vibration si l’on veut). Il s’ajoute à cela l’apport direct des sens ; mais c’est toujours par la rencontre d’un courant interne avec une sensation extérieure, que se produit la perception, comme c’est toujours par la rencontre de deux ou plusieurs courants entre eux que se produit la pensée proprement dite. Cette rencontre d’ailleurs n’est heureuse et ne donne ainsi lieu à la perception et à la pensée que parce que les éléments rapprochés, qui sont eux-mêmes pris à part des jugements, s’accordent et se confirment. Quant aux rencontres malheureuses, après essai, elles sont rejetées. Maintenant, les perceptions et les pensées formées de la sorte se rencontrent à leur tour dans le cerveau où elles se succèdent pendant le travail de la méditation : tantôt elles se contredisent ou impliquent contradiction, tantôt elles se confirment ou impliquent confirmation, tantôt elles ne paraissent ni se contredire ni se confirmer. Dans le premier cas, elles se combattent, et la plus forte en foi chasse l’autre ;