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ANALYSES.a. angiulli. La filosofia et la scuola.

M. Angiulli a été dans sa jeunesse un disciple enthousiaste, mais indépendant d’Auguste Comte. On le sent partout, à la place qu’il accorde au fait social. Il l’étudie avec soin, du plus bas au plus haut degré de l’évolution biologique et zoologique. Il nous montre les effets de l’œuvre collective, joints à ceux de tous les facteurs résumés par le mot symbolique de la loi de sélection, pour former la variation progressive des espèces, les organes, les fonctions, jusqu’à l’organisation supérieure du cerveau et des fonctions psychiques. Les plus grands progrès s’accomplissent dans les organismes où les fonctions sont le plus fortement centralisées entre les parties associées, et où, d’autre part, les individus sont les plus indépendants. Ainsi, dans l’esprit, qui est lui-même un produit de l’expérience collective, l’organisme tout entier participe à la conscience générale, et chacune de ses parties a son travail propre, indépendant, qui se dérobe à la conscience.

Ici encore M. Angiulli croit devoir s’élever contre l’illogisme de ceux qui prétendent ne voir dans le plus qu’une extension du moins. C’est une grave erreur que de vouloir expliquer tout l’objet de la sociologie par les seules lois biologiques, par les lois de la physiologie et de la psychologie individuelle. À la simple transmission biologique s’ajoute la transmission sociologique des produits objectifs et artificiels. Le lien social, dans ses formes supérieures, n’est plus déterminé par des fonctions tout à fait organiques, mais par un consentement volontaire entre les individus. Aussi la sociologie a-t-elle un champ de recherches tout spécial. Il lui faut chercher les conditions historiques de tous les produits de la culture et leurs rapports de succession et d’interdépendance. C’est seulement par la détermination de ces composants qu’elle peut arriver à comprendre les phénomènes de plus en plus élevés et complexes.

Pas plus que le problème sociologique, le problème éthique ne peut être séparé du problème logique et du problème cosmique. L’éthique, embrassant la religion, l’esthétique, la morale et la politique, donne lieu aux recherches sur la valeur et les fins de l’existence, qui impliquent un problème cosmique, celui qui regarde la nature de l’existence. La morale devient une concordance progressive entre les actions de l’homme et les lois de la nature. La religion, qui du côté intellectuel était une physique erronée, s’identifie avec la science complète. Est-ce à dire qu’une conception scientifique ou philosophique du monde constitue par elle-même une religion ? Non, pas plus que le seul côté pratique de la morale n’en peut constituer une. « La religion, pour être complète, doit embrasser le côté cosmologique, le côté moral et le côté esthétique ; elle doit pousser au développement de l’intelligence, du sentiment, de l’imagination, de la volonté, de l’activité. » La doctrine de l’évolution peut seule donner un fondement solide à l’éthique et à la religion. Par la loi scientifique du progrès universel, elle ramène à l’unité l’idéal de la perfection religieuse, esthétique et morale ; elle fonde sur la réalité même et sur l’expérience le dogme de l’améliora-