Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXVI, 1888.djvu/298

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
288
revue philosophique

l’activité du protoplasma, on ne saurait sans erreur l’attribuer à un des éléments chimiques dont il est formé. Il ne faut pas confondre une simple somme ou agrégation, qui n’a pas de qualités différentes de ses parties, avec le produit d’une combinaison, qui est qualitativement différent de ses éléments intégrants. »

Les animistes et les pampsychistes de tout ordre pourront objecter que le mouvement ne peut pas seul produire la vie, qu’elle doit être, en quelque façon, inhérente à la matière, que le mouvement lui-même est déjà de la vie. Cette hypothèse est contredite par les faits, et, à mon avis, M. Angiulli se tient strictement dans les données de la science en ne supposant pas la vie où il n’en apparaît pas la manifestation même la plus obscure. La vie est une modification spéciale de la matière organisée, et par conséquent ne peut se trouver comme telle, comme phénomène spécial, dans la matière non organisée ou non encore organisée. Si l’on veut étendre par métaphore le mot vie à toute la matière, on. doit trouver un autre mot pour indiquer le phénomène spécial que nous indiquons proprement par celui-ci.

Le problème relatif aux origines de l’esprit est également susceptible d’une solution empirique. Nous en avons déjà touché quelques mots. D’ailleurs cette solution est aussi contraire à celle de l’idéalisme qu’à celle du spiritualisme. Le phénomène psychique se développe avec le phénomène physiologique, le phénomène conscient avec la complication nerveuse : l’un n’est pas l’effet de l’autre. Il est absurde de chercher entre eux un lien causal, parce qu’ils sont deux côtés d’un même processus. La conscience est quelque chose de différent du simple phénomène chimique ou physique ; mais les éléments dont ils résultent sont primitivement les mêmes. Au surplus, « le fait de la conscience n’est pas plus merveilleux que les autres faits naturels où se révèlent des qualités nouvelles dans les éléments d’où elles proviennent ». Il est inutile autant qu’irrationnel d’imaginer de petites monades, de petites âmes de la matière, des plastidules, pour expliquer l’apparition de la conscience et des facultés mentales.

M. Angiulli a indiqué avec précision, et ce n’est pas la partie la moins personnelle de son ouvrage, les compléments à apporter à la doctrine darwinienne. Au facteur de la lutte contre les organismes extérieurs doit s’ajouter celui de la lutte interne entre les parties de l’organisme. Les propriétés acquises dans cette lutte interne constituent des avantages dans la lutte extérieure. Ces deux forces réunies sont les conditions de la variation sélective et progressive. Comme les activités et les rapports de la vie s’accroissent et se multiplient, de même s’accroissent et se multiplient les facteurs de cette variation. Parmi les plus importants, M. Angiulli accorde la prépondérance à la représentation anticipatrice et à la sélection raisonnée. « La sélection purement naturelle cède le pas à la sélection opérée par l’homme ; la lutte pour l’existence tend à devenir lutte pour la coexistence, lutte pour le progrès et le perfectionnement humain. »