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ANALYSES.a. angiulli. La filosofia et la scuola.

Mais, pourra-t-on dire, la connaissance de la réalité n’est-elle pas l’objet des sciences particulières, qui l’atteignent par fragments, et, s’il est au-dessus ou à côté d’elles quelque recherche concernant la réalité totale, pourra-t-elle faire autre chose que résumer leurs exactes données ? Telle était, ou peu s’en faut, la conception comtiste de la philosophie. Pour M. Angiulli, la philosophie est cela, mais elle est encore autre chose. Elle est une somme des résultats des sciences, mais elle en est l’unification. Elle organise leurs synthèses spéciales en une unité supérieure. Son élaboration propre de tout le savoir répond à des exigences de notre esprit que les sciences spéciales ne peuvent pas satisfaire. « Nous croyons, dit M. Angiulli, que dans le fait de recueillir, d’examiner, d’apprécier les résultats des sciences, en les réunissant selon leurs dépendances réelles, se présente un travail bien différent de celui qui appartient aux sciences particulières, séparément considérées. En effet, si ces dernières voulaient entreprendre un tel travail, elles cesseraient au même instant d’être ce qu’elles sont, c’est-à-dire des recherches spéciales… On dit que les sciences spéciales arrivent d’elles-mêmes à cette unification générale sur laquelle se fonde une conception cosmique. Cela peut prouver qu’elle émane du progrès inévitable des sciences ; mais une autre pensée préside toujours à son apparition, et une autre recherche s’applique à la développer ; c’est proprement une pensée et une recherche philosophique. »

La philosophie scientifique ne se borne pas à harmoniser entre eux les résultats généraux des diverses sciences. Elle est leur unification, mais aussi leur continuation. Elle embrasse l’unité des objets du savoir, et elle pose une conception cosmique ; elle embrasse l’unité des sciences, et elle est la science des sciences. Bien plus, elle assure leurs bases, elle éclaircit leurs méthodes ; elle leur explique leurs principes, elle leur donne leur propre explication. Il y a entre elles une action réciproque : elle n’est rien que par elles, mais elle contribue à leur perfectionnement en préparant ces grandes hypothèses dont aucune science ne peut se passer. Elle reprend donc le rôle universel de l’ancienne métaphysique. Elle prétend construire, parallèlement aux progrès des sciences particulières, la science de savoir et de l’être, que Kant voulut bâtir sur l’a priori : entreprise fatalement condamnée à échouer, car le philosophe de Kœnigsberg reproduisit la méthode de la métaphysique par lui combattue. M. Angiulli montre à merveille, et, après tant d’autres, non sans originalité, que ce philosophe ne put faire la vraie critique de la raison, parce qu’il n’avait pas une juste idée de l’expérience.

L’expérience, voilà la base indestructible de la métaphysique nouvelle. L’expérience n’est qu’un autre nom de l’évolution. Elle est, dans chaque être, organisé ou non organisé, le prolongement de l’action externe se combinant avec le résidu des actions passées, pour ajouter de nouvelles propriétés à celles qui lui viennent de son existence passée ou de ses antécédents. Chaque être a son histoire, qui est son expérience, et sa