Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXVI, 1888.djvu/293

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
283
ANALYSES.j. bergmann. Ueber das Schöne.

mot une beauté objective ; mais aussi c’est seulement sous ce rapport que nous devons compter parmi les partisans d’Herbart. Dans une détermination plus étroite de la même idée de beauté objective, notre voie se sépare de la sienne. Nous avons maintenu comme un fait que les choses extérieures produisent en nous un certain état de jouissance, à savoir une agréable disposition de l’âme (Gemüthstimmung) dans laquelle le spectateur (Betrachter) se comporte d’une façon purement contemplative. Nous croyons à un pouvoir en cela qui n’est rien de réel en soi, mais qui s’ajoute à la constitution par laquelle les objets agissent ainsi sur le spectateur, qui ainsi n’est pas objectif et ne doit pas être regardé comme une espèce de beauté. — L’esthétique de Herbart, au contraire, ne reconnaît aucune autre beauté que la beauté objective. Elle ne sait rien de plus d’une beauté de sentiment (von Schönheitstimmung) que l’esthétique de Kant. Dans toutes les affections, selon elle, qui se rapportent à la contemplation des objets extérieurs, le sentiment (Gemüth) naît de la pure contemplation. Nous avons deux espèces de beauté objective, la beauté sensible et celle de la forme, tandis que Herbart oppose seulement la grâce, l’agrément sensible à la beauté et n’admet comme beauté que la qualité de plaire (Wohlgefälligkeit) de la forme. Enfin nous devons aussi chercher sous le rapport de la beauté de la forme une autre solution au problème relatif à cette idée que celle qu’a donnée Herbart. En ce qui concerne le premier point de cette différence, je ne trouve rien dans les écrits de Herbart qui puisse donner lieu à une justification de notre conception d’une beauté de sentiment (Stimmung). Herbart admet simplement que la beauté est objective. Le dernier point, la détermination ultérieure de l’idée de la beauté de la forme par la solution d’un problème en elle contenu, n’appartient pas à la présente section de notre recherche (p. 100), etc. »

L’auteur a-t-il réussi à démontrer sa thèse et à la mettre en pleine lumière, c’est ce que nous ne pouvons ici examiner. Nous dirons seulement que les mots qu’il emploie ne nous ont pas semblé, malgré le mérite de ses analyses, avoir une signification toujours assez précise. Le terme de Betrachtung, que, faute de mieux, nous traduisons dans notre langue par « considération », pour nous ne s’écarte guère de celui d’intuition employé généralement pour caractériser l’acte de l’esprit qui saisit le beau ou le contemple. Le sentiment (Fühlen), pour désigner l’état de l’âme qui correspond à la vue du beau, souvent usité aussi chez les esthéticiens, a quelque chose de vague qui a besoin d’être défini et ne nous semble pas l’avoir été suffisamment. Nous reconnaissons néanmoins dans l’auteur l’exactitude de ses observations, la manière savante et approfondie dont est conduite sa recherche.

La partie historique et critique surtout conserve à nos yeux tout son intérêt indépendamment de la théorie. Nous nous permettrons seulement d’adresser nous-même une critique à sa critique. Nous trouvons qu’il triomphe un peu trop facilement de ce qu’il appelle l’esthé-