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ANALYSES.j. bergmann. Vorlesungen ueber, etc..

a montré qu’une théorie de l’être doit être en même temps une théorie de la représentation ; que le problème de l’existence est inséparable du problème de la connaissance. Il a mis fin à la métaphysique ontologique et inauguré la métaphysique psychologique.

Conformément à cette conclusion, l’auteur aborde la métaphysique par la critique de la connaissance. Nous croyons percevoir deux sortes de réalité : une réalité extérieure, le monde des corps ; une réalité intérieure, le moi. Qu’y a-t-il de vrai, qu’y a-t-il d’illusoire dans nos perceptions ?

Examinons d’abord les données de la perception extérieure. L’être des corps, s’ils en ont un, n’est pas ce qu’il nous apparaît. Les qualités sensibles n’existent pas hors du sujet sentant. Le sens commun sait déjà que nos perceptions et l’être des choses ne coïncident pas d’une manière parfaite, que nos sens sont sujets à de fréquentes illusions ; mais il croit que les choses sont au moins de même ordre que nos perceptions, qu’elles ont une saveur, une odeur, une couleur, etc. La réflexion nous apprend que les qualités perçues ne sauraient être dans les choses. La couleur, l’odeur, la saveur, sont des états du moi. Une propriété d’une chose en soi ne peut être en même temps le contenu d’un sujet différent de cette chose. Ce qui est dans la conscience ne saurait être dehors. Être dans la conscience, cette expression est une métaphore et veut dire être un mode de la conscience. Dirons-nous que les qualités sensibles ne sont pas les propriétés des choses, mais leurs images dans l’esprit ? L’hypothèse est superflue, puisque les corps n’ont besoin que d’être animés de divers mouvements pour produire en nous des sensations, que leurs qualités propres, s’ils en ont, sont sans effet sur nous. L’hypothèse est inconcevable ; ce n’est rien dire ou dire une chose contradictoire que de parler d’une couleur que personne ne voit, d’un son que personne n’entend. Les mêmes arguments valent contre la réalité des qualités appelées primaires ou mathématiques. Descartes se trompe quand il affirme que l’étendue peut être représentée comme une réalité séparée de la conscience. Il n’en est rien. C’est un mode de la conscience au même titre que les qualités sensibles. D’ailleurs la représentation de l’étendue est inséparable de celle des qualités sensibles. Nous ne pouvons effectivement nous représenter un corps dépouillé de toute qualité et réduit à la seule étendue. Nous pouvons, il est vrai, considérer dans un corps son étendue seule à l’exclusion de ses autres propriétés, mais cette abstraction n’équivaut nullement à une représentation de l’étendue pure.

Cette étendue que nous ne percevons pas hors de nous, peut-être la percevons-nous en nous-même. Spinoza croit que notre corps et notre esprit sont deux aspects d’une même réalité, et que, quand nous localisons nos sensations (par exemple, un froid aux pieds), nous nous sentons étendus, nous avons une conscience immédiate de notre étendue. Mais si le moi rapporte ses sensations à différents points du corps, il ne s’y place pas lui-même. Le moi, le sujet percevant n’a pas d’éten-