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même à interpréter psychologiquement les hallucinations psychiques. J’ai cru pouvoir y trouver de véritables images abstraites de diverse nature, images abstraites de représentations motrices, auditives ou visuelles. Cette interprétation peut, comme je viens de le dire, se concilier, il me semble, avec la théorie de M. Simon en la modifiant un peu. Il me paraît au reste que la réalité des images abstraites en général est indiscutable (j’espère revenir prochainement sur cette question) et que les images des hallucinations psychiques consistent au moins en partie en images abstraites, c’est-à-dire que, si l’on prend la théorie de M. Simon dans le sens précis qu’il lui a donné, je crois qu’elle n’est pas complète et que, à côté des phénomènes moteurs, les phénomènes auditifs ou visuels faibles peuvent, au moins en certains cas, tenir une place importante dans l’hallucination psychique. Cette interprétation me paraît plus conforme aux résultats des dernières recherches sur le langage intérieur, et aussi s’accorde mieux avec ce que mes observations personnelles m’apprennent, en tant, du moins, que l’état normal peut servir à interpréter l’état pathologique.

Pour abréger, je signalerai simplement quelques autres parties de l’ouvrage de M. Simon : je citerai par exemple une théorie du somnambulisme naturel, destinée à expliquer la coordination des mouvements du somnambule, leur adaptation au monde extérieur. « Nous pouvons, dit l’auteur, définir la vie perceptive somnambulique, si je puis me servir de cette expression, un état particulier du sommeil dans lequel des perceptions réelles, parfois auditives, olfactives, gustatives, mais le plus ordinairement exclusivement tactiles, engendrent des images fantastiques visuelles, qui coïncident exactement avec les objets ayant donné naissance aux perceptions réelles, et mettent ainsi, en quelque sorte, le dormeur dans les conditions de la veille. » Quelquefois d’ailleurs, comme l’auteur le fait remarquer, l’image du rêve et celle de l’objet qui a donné naissance à la perception ne sont pas identiques.

À la fin de son ouvrage, M. Simon, qui s’est soigneusement tenu jusque-là sur le terrain de la psychologie expérimentale, aborde la psychologie métaphysique. « Dans les faits dont nous avons cherché, au cours de cet ouvrage, à donner l’explication, nous n’avons eu affaire qu’à la matière, si je puis dire, de la mémoire et de l’imagination. Nous avons à peine parlé de la force agissante qui dispose de cette matière… Chaque fois que les combinaisons de la mémoire et de l’imagination sont voulues, ces combinaisons volontaires sont le résultat de l’action d’une libre puissance que les circonstances extérieures peuvent influencer, auxquelles l’instrument lésé peut mal obéir, mais qui, dans l’état d’intégrité cérébrale, est la vraie maîtresse de ce clavier aux touches innombrables qui constitue la mémoire et l’imagination. Cette puissance, cette force, c’est l’âme humaine. »

M. Max Simon attribue ainsi l’harmonie psychique, quand elle existe, à une sorte d’entité métaphysique ; il paraît plus simple et plus juste de ne voir dans l’âme simplement que cette harmonie elle-même, cette