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ANALYSES.max simon. Le monde des rêves.

ce moment. On peut aller plus loin encore. « Qu’on veuille bien faire un pas en avant, exagérer l’exercice de la fonction, la porter à une limite extrême, sinon la plus extrême, nous aurons la loquacité intarissable et incohérente de la manie. Qui a vu des maniaques sait que la parole ne tarit pas sur leurs lèvres, que les mots, les chants, les cris, se succèdent sans fin, se croisent, j’oserais presque dire se heurtent, se confondent, et cela jusqu’à ce que le malade soit arrivé, par le fait de ses chants et de ses cris, à la fatigue la plus grande, presque à l’épuisement. Qu’est-ce là, sinon l’exagération de l’impulsion de la fonction langage ? » Et M. Simon conclut que « le phénomène hallucinatoire auditif, tel qu’il est généralement compris, comporte en somme deux ordres de faits essentiellement différents : d’un côté, nous constatons une véritable régression de sensations auditives antérieurement acquises : c’est l’hallucination dans le sens vrai du mot ; de l’autre, nous nous trouvons en face d’une véritable impulsion irrésistible, et c’est une partie des faits qui sont la conséquence de cette impulsion que l’on comprend habituellement sous le nom d’hallucinations psychiques. » Du reste, il n’en faut pas conclure qu’il n’y a aucun lien entre l’hallucination auditive et l’hallucination psychique. « Il suffit, en effet, de s’observer un peu soi-même pour se convaincre combien la sensation auditive est voisine, absolument proche, si je puis dire, de la production de la parole, et même, si j’osais risquer cette expression, de la parole non articulée. »

Il semble, d’après ce que dit l’auteur, qu’il se rallie à la théorie qui fait de la représentation des sons une représentation motrice. Cependant peut-être l’opinion de M. Simon sur les hallucinations psychiques pourrait être conciliée avec les théories d’après lesquelles les représentations qui constituent le langage intérieur peuvent être des images auditives ou visuelles, fortes ou faibles, concrètes ou abstraites. Il suffit de se rappeler que toute image, toute idée correspond à une tendance ou à une partie de tendance et que, en particulier, l’image auditive d’un mot s’accompagne d’une tendance à prononcer ce mot. Il faut en un mot distinguer la tendance motrice et la représentation motrice : la tendance motrice peut s’accompagner de phénomènes auditifs et visuels et consiste dans la mise en activité d’éléments cérébro-psychiques qui sont dynamiquement associés avec les appareils moteurs ; la représentation motrice accompagne la mise en jeu de ces appareils moteurs[1].

Dans mon article sur le langage intérieur (janvier 1876), j’ai eu moi-

  1. J’ai exposé il y a quelque temps, dans cette Revue, ma manière de voir sur le rapport des divers phénomènes qui peuvent constituer la parole intérieure. M. Stricker, dont j’avais attaqué les conclusions, a critiqué à son tour mon travail dans un autre numéro de la Revue. Je crois inutile de revenir longuement sur cette discussion. M. Stricker a contesté mes expériences qui ne pouvaient s’accorder avec sa théorie ; je me borne à dire, puisque l’occasion m’est offerte de revenir sur ce sujet, que je maintiens mes expériences et mes conclusions.