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le peuvent pas et que ces mots leur viennent malgré eux. Je pourrais citer de nombreuses observations justifiant ce que j’avance ici ; je pense que cela est inutile et qu’une simple énonciation du fait suffit. Quoi qu’il en soit, je ferai remarquer que ce qui différencie le phénomène pathologique du même phénomène de la vie physiologique, c’est que, dans ce dernier cas, un effort puissant de la volonté peut rompre l’impulsion, tandis que, lorsqu’il s’agit d’un fait pathologique, cette modification, par l’intervention de la volonté, est absolument impossible. »

Voilà le fait même de l’impulsion de la fonction langage ; voici comment M. Simon résume, d’après M. Baillarger, les phénomènes de l’hallucination psychique. « Il leur semble, disent-ils (les malades), qu’ils entendent la pensée sans bruit. On leur communique une pensée ; on suscite en eux des idées. Certains affirment qu’ils ont un sixième sens : le sens de la pensée ; qu’ils entendent la pensée sans bruit. On les entend dire encore qu’on leur parle par intuition, par le magnétisme ; c’est, suivant quelques autres, le langage des esprits, un langage sans paroles, une voix intérieure, une inspiration, etc. »

L’auteur examine ensuite les divers cas pathologiques de cette impulsion de la fonction langage. « Dans les cas les plus simples, où les aliénés ont l’involontaire perception de paroles, de mots silencieux, il ne paraît pas qu’ils attribuent ces mots à quelques personnages, ou du moins ils ne le disent pas, car le fait est difficile à élucider. Mais il est des cas où ces paroles, ces mots sont prêtés à des êtres de personnalité diverse, agissant tantôt par eux-mêmes, tantôt par des agents physiques ou plus ou moins surnaturels… Alors se produit chez le malade une sorte de dédoublement de la personnalité. » Voici un fait curieux que rapporte M. Simon à l’appui : « J’ai plusieurs fois interrogé M. X., que j’ai dit très intelligent, sur ce qu’il éprouvait, et voici, entre autres, une de ses réponses : « Voyez, me disait-il, quelle chose singulière et qui assurément ne peut être produite qu’à l’aide des moyens que fournissent les sciences physiques, aujourd’hui si avancées ; voyez, je n’ai qu’à dire un vers, celui-ci par exemple :

Rien n’est beau que le vrai, le vrai seul est aimable,

« immédiatement quelque chose prononce en moi : Boileau ; un autre vers :

On ne peut contenter tout le monde et son père,

« quelque chose dit en moi : La Fontaine ; et ce ne sont pas des sons, mais des mots qui me passent par la tête. »

« Jusqu’à présent, ajoute l’auteur, dans les faits que nous venons d’examiner, la fonction langage n’est pas intéressée dans toute son étendue : les muscles n’agissent pas. » Dans d’autres faits, on voit au contraire les malades prononcer à voix basse des mots et des phrases. Mais on peut aller plus loin : les aliénés, qui se croient possédés, qui injurient, qui blasphèment, les prophétisants, etc., sont encore des malades atteints de l’impulsion maladive dont nous nous occupons en