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ANALYSES.max simon. Le monde des rêves.

senté, par exemple, l’image d’une croix verte, aperçoivent consécutivement l’image d’une croix rouge. Nous avons donc ici aussi un processus nerveux allant de l’intérieur à la périphérie ; l’image est-elle une hallucination ?

M. Simon admet presque cette solution, et pense qu’entre le souvenir et l’hallucination il n’y a pas de différence bien marquée. « On se fait, semble-t-il, de la mémoire une idée erronée : c’est à tort, selon nous, que l’on considère les images du souvenir comme essentiellement différentes des images hallucinatoires. Ces deux phénomènes, souvenir et hallucination, sont beaucoup plus proches qu’on n’est porté à le croire en général. Dans les deux cas, il s’agit du rappel d’une perception antérieure, d’une régression des images localisées dans la substance corticale et qui parcourent en sens inverse la route suivie par la perception. La seule différence qui existe entre les deux phénomènes est une différence de degré, d’intensité dans le mouvement communiqué. Ce qui montre avec une singulière évidence l’identité des deux phénomènes, c’est qu’ils sont tous deux susceptibles de donner naissance, dans les mêmes conditions appropriées, à des images accidentelles, ainsi que l’a constaté sur lui-même l’éminent physiologiste allemand Wundt. »

Sans doute il y a une infinité de degrés insensibles, qui conduisent du souvenir à l’hallucination ; toutefois il me semble que si, au point de vue de la psychologie abstraite des images, les deux états peuvent et doivent être rapprochés, il n’est pas moins nécessaire de les distinguer. Les souvenirs sont souvent des états de conscience très faibles, et qui n’ont pas grand’chose de commun avec l’hallucination. Je trouve même qu’il n’est pas très exact de ne voir entre le souvenir, l’image faible, et la perception ou l’hallucination, l’image vive, d’autre différence que celle du degré d’intensité. Il est vrai que souvent une image en devenant plus intense passe de l’état d’image faible à celle d’image hallucinatoire, mais la transformation ne me paraît pas avoir l’intensité pour cause directe, mais bien les nouvelles associations, les nouvelles synthèses psychiques déterminées par cette augmentation d’intensité. Je ne puis évidemment développer ici cette manière de voir.

Nous ne changeons pas sensiblement de sujet en passant au chapitre VI du volume de M. Simon. L’auteur y propose une nouvelle manière d’envisager les hallucinations psychiques et l’incohérence maniaque. On sait que Baillarger, dans un mémoire célèbre, avait tâché d’établir l’existence d’hallucinations qui paraissaient dégagées d’éléments sensoriels et qu’il appelait hallucinations psychiques. Il s’agit de personnes qui croient entendre parler sans bruit, qui entendent le langage de la pensée, qui conversent d’âme à âme. M. Simon explique ces phénomènes par ce qu’il appelle une « impulsion de la fonction langage ».

« On rencontre, dit-il, assez fréquemment des malades qui se plaignent qu’il leur passe des mots par la tête, et quand on leur dit, assez banalement du reste, de chasser ces mots, ils vous répondent qu’ils ne