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ANALYSES.max simon. Le monde des rêves.

question, comme d’autres questions qui ont rapport aux facultés encore mal connues du cerveau, sont très étudiées depuis peu de temps. La Revue a plusieurs fois parlé, en particulier, des observations faites, par la Société anglaise pour les recherches psychologiques, sur le pressentiment et les apparitions. Il est permis de considérer la question comme rouverte et comme ne devant pas être épuisée de sitôt. M. Simon apporte sur ce sujet des faits et une théorie. Voici deux faits nouveaux très curieux : « Une personne de ma connaissance, dit l’auteur, étant en visite dans une campagne assez éloignée de celle qu’elle habitait, eut l’idée que sa sœur, qu’elle avait laissée parfaitement bien portante, était en danger sérieux. Elle revint aussitôt et, à peine était-elle arrivée, qu’on vint lui dire que sa sœur avait été prise d’un abondant crachement de sang, qui avait mis sa vie en danger. On sait que Swedenborg. éloigné de Stockholm, eut l’intuition de l’incendie de cette ville. Enfin, je connais moi-même un fait fort approchant de celui-ci : Mon père, sorti depuis plusieurs heures, rentrait vers la fin du jour, quand l’idée lui vint nette, précise, obsédante, que le feu avait pris à la maison qu’il habitait ; il hâte le pas et rencontre bientôt une personne qui lui apprend qu’en effet le feu s’était déclaré chez lui une demi-heure auparavant. »

Pour la théorie, M. Simon admet que les pressentiments sont des effets de la cérébration inconsciente. « Je ne voudrais certes, dit-il, m’avancer dans cette voie qu’avec prudence, mais il me paraît que l’activité inconsciente du cerveau peut assez souvent être invoquée dans les cas dont nous nous occupons ici, et que le pressentiment n’est autre chose que le résultat d’un jugement inconsciemment élaboré et reposant sur des données que nous avons acquises d’une façon également inconsciente. Il est évident pour nous que les personnes qui ont éprouvé les pressentiments que j’ai mentionnés tout à l’heure avaient recueilli sur les choses, sur les circonstances des faits, des notions dont elles n’avaient point été frappées, mais qui, élaborées par le travail inconscient de l’esprit, se formulaient en cette intuition subite qui les frappait comme la vive clarté d’une évidente vérité. Et, cela étant admis, il est facile de voir que les rêves prophétiques dont nous venons de parler en dernier lieu ne sont que des jugements inconscients, dont la conclusion représente, dans le sommeil et avec l’appareil ordinaire des opérations mentales du sommeil, les images du rêve. » En effet, la théorie de la cérébration inconsciente paraît bien pouvoir rendre compte d’un grand nombre de ces phénomènes. Mais sans insister ici sur le manque de précision avec lequel la psychologie emploie généralement les mots de conscience et d’inconscience, on a cité plusieurs fois des faits qui ne pourraient s’expliquer ainsi, à moins d’entendre par action inconsciente toute action dont le mécanisme serait inconnu, et en ce sens il serait trop évident que les pressentiments sont dus à des actions inconscientes. Je pense donc que la théorie de M. Simon, qui est d’ailleurs celle d’un certain nombre de psychologues, ne doit être acceptée que sous réserves, avec cette restriction que, si elle explique