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humain ; c’est cette nature humaine supérieure dont Spinoza fait le critère du bien et du mal ; l’autre est un idéal divin. Dans le premier cas, le sage possède la vertu et le bonheur lorsque la passion en lui est atténuée au profit de la raison : vertu et bonheur relatifs, puisque dans cet état la passivité subsiste toujours, et que la connaissance du bien et du mal et l’amour même de Dieu n’y sont encore que des passions. Dans le second cas, l’âme ayant absolument supprimé en soi l’élément passionnel, étant pure activité, indépendante du corps et de l’univers, participe à l’absolu et vit d’une vie divine. Dépouillée de toute individualité, l’âme se perd en Dieu, se mêle à lui, ne se distingue plus de la réalité suprême : elle est Dieu. Mysticisme et Prédestination, tel est le terme ultime où aboutit la morale de Spinoza : conclusion nécessaire de tout panthéisme conséquent.

D’un côté donc : activité non exclusive de toute passion, raison mélangée d’imagination, liberté relative, sagesse obscurcie d’ignorance, joie troublante encore ; de l’autre, activité parfaite, raison intuitive, liberté absolue, pure lumière et Béatitude. Il y a deux buts sans doute, comme chez Aristote, mais qui ne s’excluent pas l’un l’autre. Ils se subordonnent au contraire. Deux solutions, l’une partielle et provisoire, l’autre complète et définitive. Et c’est la dernière qui couronne et explique la première : c’est là qu’il faut chercher la vraie pensée de Spinoza.

P. Malapert.