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QUESTIONS SOCIALES


II. LE LUXE

Dans la conversation sur le luxe qui s’est poursuivie à l’Académie des sciences morales et politiques durant trois séances de l’été dernier, on a insisté de divers côtés sur l’intérêt qu’il y aurait à savoir de quoi l’on parlait. Plusieurs définitions ont été proposées, et finalement M. Courcelle-Seneuil a déclaré que le luxe ne pouvait pas être défini. Il ne peut pas l’être en effet si l’on ne s’est pas mis d’accord préalablement sur le point de vue auquel on veut l’envisager, si l’on ne sait pas de quel genre il forme une espèce, à quel ensemble de phénomènes on le rapporte. Donner au mot luxe un sens qui lui convienne également en économie, en morale et en politique est un problème analogue à chercher une définition générale du mot fonction applicable dans les mathématiques, dans l’administration et dans la médecine. Seulement, ici, les distances entre les diverses acceptions du mot sont si grandes que nulle confusion n’est possible, tandis que le luxe étant toujours une dépense, on peut s’en tenir au sens de la conversation et considérer cette idée vague, soit comme une catégorie de la morale, soit comme une catégorie de l’économie politique. Si les deux points de vue sont envisagés simultanément, dans l’espoir d’arriver à une conclusion pratique d’approbation ou de censure, on restera dans l’arbitraire le plus complet. Si l’on distingue, on pourra condamner le luxe en morale et le recommander en économie, ou l’inverse ; mais lorsqu’il s’agira de spécifier, on ne saura tirer aucun parti des conclusions obtenues, parce qu’on ne s’entendra point sur la question de savoir si telle consommation particulière est de luxe ou ne l’est pas. En Économie, où l’on cherche à connaître l’effet des actes volontaires sur la richesse sociale, où l’accroissement de cette richesse est l’objectif ; lorsque l’économiste se