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LA RESPONSABILITÉ MORALE


Il y a peu de problèmes philosophiques qui aient fait verser autant d’encre que les questions du libre arbitre et de la responsabilité. Ces questions, qui ont été pendant des siècles agitées dans le domaine spéculatif, passent en ce moment dans le domaine des faits et mettent en quelque sorte pied à terre. Les grands travaux de l’École criminaliste italienne, dont il a été rendu compte si souvent dans cette Revue, ont posé sous une forme nouvelle ces vieux problèmes, toujours discutés et jamais résolus ; une idée lumineuse guide les nouveaux criminalistes, celle de frapper les délinquants d’après leur degré de perversité (temebilita) et non d’après la somme de liberté avec laquelle ils ont agi et la somme de responsabilité morale qu’ils ont encourue.

Nous avons pensé qu’il y aurait quelque intérêt à faire une étude psychologique de la responsabilité morale, au moment où il se produit un mouvement d’opinion contre cet ancien critérium de la répression.

Parmi les erreurs les plus tenaces des moralistes, il faut signaler en première ligne celle qui subordonne la responsabilité morale au libre arbitre. Cette erreur, bien que réfutée de la façon la plus claire par des partisans du libre arbitre, par exemple M. Fouillée, est encore admise comme un dogme. Elle a produit, dans ces derniers temps, deux conséquences assez curieuses. On sait que des études déjà anciennes, mais qui ont pris un grand essor dans ces dernières années, ont amené les criminalistes à établir des rapports multiples entre le crime et certains états pathologiques (folie, épilepsie, atavisme, dégénérescence). Or des philosophes naturalistes en ont conclu que tout criminel dit sain d’esprit, étant en réalité aliéné, doit être déclaré irresponsable, parce qu’il ne jouit pas de son libre arbitre. Ils maintiennent la pénalité, mesure sociale nécessaire, tout en plaignant le criminel ; le criminel devient une victime qu’on immole au salut public, après l’avoir couronné de fleurs. D’autres