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CONCOURS SUR LA MORALE DE SPINOZA


L’Académie des sciences morales et politiques avait mis au concours, pour le prix Bordin à décerner en 1888, la morale de Spinoza (examen de ses principes et de l’influence qu’elle a exercée dans les temps modernes). Elle a prorogé le concours au 31 décembre 1890, en considérant à la fois l’insuffisance des mémoires envoyés et les preuves de savoir et de talent que donnent deux d’entre eux. Nous reproduisons, dans l’intérêt des concurrents, un extrait du rapport de M. Beaussire, qui, en motivant cette décision, développe, en quelque sorte, le programme du concours :

Spinoza a surtout été étudié en France comme métaphysicien. Sa morale ne tient qu’une place secondaire dans les études sur l’ensemble de sa philosophie. Là même où elle est l’objet d’une discussion spéciale, comme dans le Cours de droit naturel de Jouffroy, elle n’est considérée que dans ses principes les plus généraux, non dans ses détails. Il n’est pas douteux cependant qu’elle ne fût, pour Spinoza lui-même, l’objet principal et le but suprême de toutes ses méditations. Son livre le plus important s’appelle l’Éthique. Des cinq parties dont il se compose, la métaphysique pure ne réclame que la première ; les deux suivantes appartiennent à la psychologie et ont déjà en vue la morale ; la morale remplit les deux dernières. Le traité de la Réforme de l’entendement annonce, dès les premières pages, comme l’a très bien remarqué M. Bouillier, « un traité de morale plutôt qu’un traité de logique ». Le Traité politique, le Traite theologico-potitique sont, d’après leurs titres mêmes, des traités de morale sociale. La morale tient, enfin, une grande place dans les Lettres.

La morale de Spinoza, quelque jugement que l’on doive porter sur ses principes et sur ses préceptes, offre cet intérêt particulier qu’elle est, dans les temps modernes, le premier essai d’une morale absolument indépendante de toute foi dogmatique. Spinoza, né en dehors du christianisme et exclu de la communion israélite, professe et pratique ouvertement la libre pensée, telle qu’on l’entendra au siècle suivant, sans s’astreindre aux mêmes ménagements et aussi sans se laisser entraîner aux mêmes passions que ses successeurs. Sa tentative était prématurée au