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manifestement inférieur à celui qui aurait été créé exprès pour cette fonction, et qui, durant les premières phases des changements qui l’ont produit, ne doit pas avoir été en état de l’accomplir. Mais la fausseté de ce postulat est encore plus apparente si l’on compare un organe donné dans un type inférieur au même organe dans un individu plus élevé. Le canal alimentaire, par exemple, dans les êtres tout à fait inférieurs, est un simple tube, d’une structure identique d’un bout à l’autre, et dont toutes les parties accomplissent la même fonction. Mais, dans un être supérieur, ce tube se différencie en œsophage, estomac (ou estomacs), petits et gros intestins, avec leur cortège de glandes variées, réglant les sécrétions. Maintenant, si cette dernière forme du canal alimentaire doit être regardée comme un organe parfait, ou à peu près, que dirons-nous de la forme primitive ? et que dirons-nous de toutes les formes intermédiaires qui les unissent ? — Le système vasculaire, à son tour, nous fournit un remarquable exemple. Primitivement, le cœur n’est pas autre chose qu’une dilatation du grand vaisseau sanguin, — un sac pulsatile. Mais un mammifère possède un cœur à quatre compartiments, plus des valvules, à l’aide desquelles le sang est chassé dans les poumons pour s’oxygéner, et à travers tout l’organisme pour les besoins généraux. Si ce cœur à quatre compartiments est un organe parfait, que dire du cœur primitif, et que dire des cœurs que possèdent toute la multitude des êtres au-dessous des vertébrés les plus élevés ? Manifestement, le processus de l’évolution implique un continuel remplacement des êtres qui ont des organes imparfaits, par des êtres qui ont des organes plus parfaits ; ceux des êtres inférieurs qui sont capables de survivre restant à occuper les sphères inférieures de la vie. Les choses ne se passent pas ainsi seulement à travers la série animale tout entière jusqu’à l’homme ; il en est aussi de même dans les limites de l’espèce humaine. Le cerveau et les membres inférieurs de diverses races mal douées sont des organes insuffisants si on les compare à ceux des races supérieures. Bien plus, même dans le type humain le plus élevé, nous nous trouvons en présence d’imperfections. La structure de l’aine est imparfaite les fréquentes ruptures qui s’y produisent auraient été prévenues par la fermeture des anneaux inguinaux durant la vie fœtale, une fois qu’ils ont rempli leur mission. Cet organe d’une importance capitale, la colonne vertébrale, elle aussi, n’est encore qu’imparfaitement adaptée à la posture droite. Tant que la vigueur est considérable, et seulement alors, on peut conserver, sans effort appréciable, ces contractions musculaires qui produisent la flexion du sigmoïde, et amènent la partie lombaire dans une position telle que la « ligne de direction » passe dans ses limites.