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ANALYSES.morselli. Lezioni su l’Uomo, etc..

de l’intérêt, de l’individu et de l’État. Mais c’est ce qu’on ne peut guère sérieusement établir. Où est l’intérêt du soldat, du savant qui se sacrifient pour le bien-être matériel ou moral de la société ? On peut bien soutenir que l’état actuel est transitoire et que plus tard, nos arrière-neveux retireront de leur groupe une récompense adéquate au bonheur qu’ils lui auront procuré. Mais en vertu de quel principe nous obligera-t-on à nous dévouer pour les races futures ? M. Pearson a bien vu la difficulté, il la résout — d’une manière qu’on pourra trouver peu logique pour un utilitaire — en faisant appel au sentiment d’un devoir supérieur à l’intérêt : « Il y a mieux à faire que de travailler pour nous ; il y a un bonheur plus grand que le plaisir égoïste, c’est de comprendre que nos efforts délivreront nos descendants des maux contre lesquels nous aurons eu à lutter, et que nous leur laisserons le monde plus habitable que nous ne l’avons trouvé. » Malgré ce subterfuge, l’auteur n’échappe pas au dilemme qui se pose à tous les utilitaires : ou bien il faut admettre que le sacrifice de l’individu au groupe a pour Oraison le devoir et une loi morale absolue, — et alors on renonce à l’utilitarisme ; — ou bien il faut prouver que l’intérêt de chacun est d’accord avec celui de tous. Tant que ce point n’aura pas reçu une démonstration irréfutable, l’utilitarisme nous commandera sans raison, tout comme la loi des volontés de Kant. Empirisme pour empirisme, nous préférons ce dernier impératif, et nous croyons qu’en France la morale de Kant trouvera plus d’adeptes que celle de St. Mill ou de Darwin. En dépit de Bentham qui, en bon utilitaire, trouvait insensée la Déclaration des droits de l’homme, une doctrine dont le principe est la valeur absolue de la personne humaine a, chez nous, plus de chances de succès que celle qui, non contente d’anéantir la liberté morale, supprime l’individu au profit de l’État.

Quelle que soit sa valeur doctrinale, le livre de M. Pearson est intéressant par la variété et l’actualité des sujets qu’il traite. La partie originale de l’ouvrage est assez peu considérable, mais la lecture en est agréable et facile ; il met à la portée de tout le monde des questions que l’on traite ordinairement en termes trop abstraits et inintelligibles pour la plupart des lecteurs.

Georges Rodier.

Morselli. Lezioni su l’uomo secondo la teoria dell’evoluzione, in-8o, Torino.

M. E. Morselli publie en livraisons de 16 pages, paraissant tous les dix jours, ses leçons d’anthropologie générale.

Nous venons de recevoir les huit premières livraisons du premier cours, qui peut être considéré comme une introduction générale au traité complet d’Anthropologie et de Psychologie expérimentale qui sera développé dans les années suivantes. Les leçons de la présente