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ANALYSES.k. pearson. The Ethics of Freethought, etc.

sont aussi complexes et semblent aussi bien adaptés à des fins que ceux des animaux. Il n’y a donc rien de contradictoire à définir la matière par la pensée. C’est encore et, à fortiori, par la conscience que se définit la vie. Partout où elle se manifeste c’est par des mouvements spontanés qui supposent la conscience à quelque degré et, réciproquement, les mouvements spontanés seuls nous révèlent la conscience. Matière, vie, pensée sont des concepts égaux en extension, et M. Pearson répéterait volontiers avec Plotin : πᾶσα ξωὴ νόνσις. Sans doute cette conclusion dépasse ce que la science positive permet d’affirmer, mais il serait encore plus téméraire de soutenir que la matière et l’esprit sont deux entités différentes. Au contraire, puisque « les lois de la pensée sont toujours d’accord avec les lois des choses », n’est-il pas probable que les deux substances sont identiques et ne peut-on pas admettre aussi que « c’est l’esprit humain qui crée pour lui le monde intelligible ? » Tel est, d’après notre auteur, le dernier mot des spéculations vraiment scientifiques et libres de tout préjugé dogmatique.

Nous n’avons pas l’intention de faire la critique de cette doctrine, elle n’est, du reste, plus à faire. Mais on sait que ces théories ne sont pas à l’abri de tout reproche ; beaucoup n’accepteraient pas le déterminisme qu’elles impliquent ; beaucoup même leur refuseraient la valeur logique à laquelle elles prétendent : ce n’est, semble-t-il, que par un sophisme plus ou moins déguisé, qu’on peut déduire le concret de l’abstrait, les concepts les plus riches en compréhension des concepts les plus vides. Nous ne prétendons pas, répétons-le, réfuter l’idéalisme, mais nous croyons que M. Pearson s’est peut-être mis en contradiction avec sa propre morale en proposant des solutions qui ne sont rien moins que définitives.

Ce n’est pas seulement par ses conclusions métaphysiques que l’écrivain se rattache étroitement aux idéalistes ; ni Aristote, ni Spinoza ne désavoueraient sa morale. La véritable religion, pense-t-il, « est la poursuite du savoir, la contemplation des plus hautes vérités que la pensée peut atteindre ; ses prêtres sont ceux qui travaillent ou ont travaillé à la conquête de ces vérités. » L’éducation ne doit avoir pour but que d’augmenter la science de l’individu, car « l’ignorant ne peut pas être moral. » — Les partisans les plus acharnés de la morale rationaliste ne s’exprimeraient pas autrement. »

La partie historique de l’ouvrage, tout à fait intéressante du reste, est inspirée du même esprit. M. Pearson ne cache pas ses préférences pour Spinoza, le plus logique et, peut-être, le plus absolu des idéaliste. C’est aussi au point de vue rationaliste qu’il se place pour juger et condamner l’œuvre de Luther. Il est incontestable qu’antérieurement à la Réforme, l’Église était entrée dans la voie du progrès. Après la prise de Constantinople, à mesure que les lettres et les arts de l’antiquité étaient mieux connus, les esprits les plus cultivés, les humanistes, commençaient à s’affranchir de la servitude ; ils protestaient avec énergie contre l’ancienne éducation scolastique, contre les abus