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pour celles qui sont encore débattues, de quel côté il faut en chercher la solution.

C’est pour se conformer à ce programme, auquel il n’y a d’ailleurs rien à objecter, que l’auteur expose ses opinions sur les sujets qui lui paraissent offrir le plus d’intérêt. Bien qu’il le fasse dans des Essais distincts, les idées générales sont faciles à dégager. Il nous faut d’abord nous débarrasser de toute croyance en une chose en soi, en une substance distincte du phénomène. Admettre un tel réalisme, c’est raisonner comme les sauvages qui croient être en présence d’un de leurs semblables quand ils voient leur propre image reproduite dans un miroir. Il n’y a rien de réel que nos états de conscience. Quoi qu’il en dise, M. Pearson est, à n’en pas douter, un idéaliste au sens le plus strict du mot. Le but de toute science est, d’après lui, de montrer comment les lois les plus particulières, les faits mêmes, peuvent se déduire des principes universels qu’on ne peut nier sans nier la pensée. « Les progrès de la science paraissent prouver qu’à une époque encore éloignée on verra comment tout ce qui compose l’univers dépend d’une loi unique et que cette loi elle-même est la seule concevable pour notre esprit. » Aussi est-il absurde de demander pourquoi ce monde est tel que nous le voyons, puisque, si nos idées étaient suffisamment claires, nous comprendrions qu’il n’y en a pas d’autre possible. M. Pearson rêve donc une science complète et absolue ; comme Aug. Comte, il espère qu’un jour on sera en possession de la loi suprême, « dont on verra, comme d’une source, se dérouler… le torrent éternel des événements ». Nous regrettons que l’auteur n’ait pas examiné à ce point de vue la loi d’évolution telle que la conçoit M. Spencer. Il aurait, sans doute, constaté que les Premiers Principes ont précisément pour bat d’établir que tout peut se déduire de cette loi et que à son tour elle se déduit à priori, des principes de la pensée. D’ailleurs, l’opinion de M. Pearson est parfaitement claire : tout se ramène aux lois de l’esprit, en d’autres termes, le réel est le seul possible, ce qui revient à dire que tout le possible est réel. Par suite nous n’avons pas besoin de recourir avec Leibniz à la loi du meilleur pour éliminer la contingence résultant de la pluralité des possibles ; il n’y a pas lieu de se demander pourquoi tel objet ou tel individu existe, puisque cette existence est une nécessité logique. »

Le même idéalisme se manifeste dans les solutions que donne l’auteur aux différents problèmes qu’il étudie. Pourquoi, par exemple, la matière ne serait-elle pas consciente ? Nous avons autant de raisons de croire à la conscience de l’atome qu’à celle des ensembles de phénomènes que nous appelons nos semblables. Chaque moi individuel peut, en effet, affirmer sa propre conscience, mais c’est faire une hypothèse que d’affirmer celle des autres, si raisonnable que cela puisse paraître. C’est par analogie, parce que nous percevons chez eux des mouvements semblables aux nôtres, que nous attribuons la conscience à certains êtres vivants. Mais, après tout, les mouvements de la matière