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ANALYSES.k. pearson. The Ethics of Freethought, etc.

l’esprit des animaux les plus inférieurs, peut-on s’en rapporter à lui lorsqu’il tire d’aussi importantes conclusions ? »

Il conclut en ces termes : « Je ne prétends pas jeter la moindre lumière sur ces problèmes abstraits. Le mystère du commencement de toutes choses est insoluble pour nous, et je dois me contenter pour mon compte de demeurer un agnostique ». C’est ce qu’il écrivait encore en 1879 à M. J. Fordyce, en ajoutant que dans ses plus grands écrits il n’était jamais allé « jusqu’à l’athéisme, dans le vrai sens du mot, c’est-à-dire jus qu’à nier l’existence de Dieu ». Il ne paraît pas avoir tiré de conséquences philosophiques de la somme énorme de souffrances et de destructions impliquées par la lutte pour l’existence et la sélection naturelle au point de vue de la signification du monde et de la conception générale qu’on s’en doit faire. Il s’en tint à la philosophie zoologique.

Fr. P.

Karl Pearson. — The ethics of freethought : a selection of essays and lectures. — 1 vol.  in-8o, 446 p.. ; Londres, Fisher Unwin, 1888.

Si ceux qui se disent libres penseurs l’étaient au même titre que l’auteur de ce livre, il y en aurait beaucoup moins, mais, en revanche, la réputation de la libre pensée y gagnerait. Le libre penseur tel que le conçoit M. Pearson n’est pas celui qui doute de tout parce qu’il ne sait rien et chez lequel libre pensée est synonyme d’ignorance ; il n’y a, suivant lui, qu’un moyen d’affranchir réellement l’esprit, c’est d’accepter toutes les vérités scientifiquement démontrées et de s’efforcer de les faire adopter aux autres. Sans doute il faut aussi rejeter tout appel à la foi, toute explication mythique des choses. Mais cette attitude purement négative — the cynical antagonism of individuals towards dogma — n’est que provisoire pour le libre penseur ; sa tâche n’est pas de renverser, mais de construire. Seulement il ne faut pas remplacer un dogmatisme par un autre, admettre des doctrines soi-disant scientifiques et qui ne sont souvent que des hypothèses ; gardons-nous donc de toute affirmation prématurée, sachons attendre ; le progrès passé garantit le progrès futur ; il n’y a pas d’objet trop élevé pour l’esprit humain, ce qu’il n’a pas atteint encore il l’atteindra plus tard ; la science ne livre ses secrets qu’un à un, mais rien n’est insoluble pour elle. Grâce à cette discipline, — pour nous servir d’une expression de Kant, — la libre pensée est appelée à jouer un rôle important dans la société ; la misère intellectuelle est souvent aussi tyrannique que les besoins physiques.

Passer comme un troupeau les yeux fixés à terre,
Et renier le reste, est-ce donc être heureux ?

Il appartient au libre penseur de soulager ceux que l’infini tourmente, de leur indiquer quelles sont les questions que résout la science et,