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les Geological observations on South America, en 1859 l’Origine des espèces, sur laquelle nous reviendrons, en 1862 la Fertilisation des orchidées, en 1864 le travail sur les Plantes grimpantes envoyé à la Linnean Society et publié à part en 1875, en 1868 la Variation des plantes et des animaux à l’état domestique, en 1871 la Descendance de l’homme, en 1872 l’Expression des émotions chez l’homme et les animaux, en 1875 les Plantes insectivores, en 1875 les Effets de la fécondation croisée et de la fécondation directe dans le règne végétal, en 1877 les Différentes formes de fleurs, en 1879 la vie d’Erasme Darwin, en 1880 la Faculté du mouvement chez les plantes, enfin en 1881 le Rôle des vers de terre dans la formation de la terre végétale.

La préparation, la publication de l’Origine des espèces qui forme la fin du seul volume paru jusqu’à présent de la traduction française de la vie et de la correspondance de Darwin, permettrait à elle seule de se faire une idée assez complète du caractère de Darwin. On le voit, dans ses lettres, attentif aux critiques qui lui sont faites, toujours prêt à examiner les objections, et s’attendant toujours à en recevoir, n’osant contredire qu’avec de grandes réserves, s’étonnant pour ainsi dire lui-même de ne pouvoir être de l’avis de tel ou tel de ses amis. Enfin quand Wallace lui envoie son mémoire où les idées de Darwin, non publiées encore, se trouvent à peu près exposées, Darwin est tout près de renoncer à sa priorité en faveur de son correspondant ; il faut les conseils les plus pressants de ses amis pour le décider à publier en même temps que le mémoire de Wallace un résumé de ses propres idées. Voici quelques passages de sa correspondance qui donnent, à mon avis, une bonne idée de la modestie, de la bonté, de la loyauté du grand savant anglais :

« Pour une première fois, écrit-il à Wallace en 1857, j’ose tenir tête à la sagacité presque surnaturelle de Lyell » (p. 610).

Le 12 octobre 1858, il écrit à Hooker : « Je vous en prie, ne vous élevez pas trop fortement contre la sélection naturelle avant d’avoir lu mon résumé, bien que je sois sûr que vous découvriez un grand nombre de difficultés qui ne se sont jamais présentées à mon esprit, car vous n’avez pas réfléchi aussi longuement que moi sur ce sujet » (p. 648), et, trouvant qu’il est allé trop loin, il écrit à la même personne dès le lendemain : « J’ai été un peu vexé contre moi-même de vous avoir demandé de ne pas vous « prononcer trop vivement contre la sélection naturelle ». Je regrette de vous avoir ennuyé, bien que j’aie été fort intéressé par votre réponse. J’ai écrit la phrase sans réflexion » (p. 649). Ce qu’il y a de plus remarquable, c’est que sa modestie et sa douceur ne l’empêchèrent pas de mettre vingt-deux ans à établir une théorie en opposition directe avec toutes les croyances régnantes et de la faire triompher dans une grande mesure. Il disait cependant à Hooker dans la lettre même dont je viens de donner un fragment : « Jusqu’à une époque très rapprochée, j’avais cru que mon