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ANALYSES.f. darwin. Vie de Ch. Darwin.

je voulais collectionner, mais peu à peu j’abandonnai mon fusil à mon domestique, car la chasse troublait mes travaux, surtout lorsqu’il s’agissait de reconstituer la structure géologique d’un pays. Je découvris, insensiblement et inconsciemment, que le plaisir d’observer et de raisonner était beaucoup plus vif que celui des tours d’adresse et du sport » (p. 67). Il dit encore dans une lettre à Henslow, de 1836 : « Depuis peu j’ai découvert que sans l’aiguillon de la science le plaisir de visiter des pays nouveaux ne m’est rien » (p. 304).

Darwin commençait aussi à comprendre qu’il pourrait prendre une place dans le monde scientifique ; il était « ambitieux d’occuper un rang » (p. 70). Mais, comme le fait remarquer son fils, « la possibilité qu’il pourrait être plus qu’un simple collectionneur d’échantillons ne semble s’être présentée que graduellement à son esprit » (p. 255).

Darwin sut s’attirer l’amitié et l’estime de ses compagnons de voyage. « Je crois très sincèrement, disait sir James Sullivan, qui demeura son ami, que pendant les cinq années de voyage du Beagle on ne le surprit jamais de mauvaise humeur, et qu’il n’a pas prononcé un seul mot vil ou méchant à l’adresse de qui que ce soit, présent ou absent. Vous comprendrez aisément que cette qualité combinée avec l’admiration que nous inspiraient son énergie et ses capacités nous ait amenés à le surnommer « le cher vieux philosophe » (p. 251). « Jamais, écrit l’amiral Wellesh, un mot n’a été prononcé contre lui. »

De retour en Angleterre, Darwin se fixa bientôt à Cambridge, puis à Londres, où il continua ses travaux et vécut à l’écart ; en juillet 1837, il commença son premier livre de notes pour des faits en rapport avec l’origine des espèces, « sujet sur lequel, dit-il, j’ai longtemps réfléchi durant vingt années, et que je n’ai jamais cessé d’étudier » (p. 71). Voici ce qu’il écrivait en 1837 dans son cahier de notes : « Commencé en juillet mon premier livre de notes sur la transmutation des espèces. Avoir été très frappé au mois de mars de l’année précédente par le caractère des fossiles de l’Amérique du Sud et des espèces des Galapagos. Ces faits (surtout les derniers) origine de toutes mes vues à ce sujet » (pp. 318-319). Bientôt après il se maria (29 janvier 1839) et en 1842 quitta Londres pour s’établir définitivement à Down.

Sa santé devenait mauvaise, il avait été déjà fatigué au moment de son départ sur le Beagle, et l’on attribua le mauvais état de sa santé aux souffrances que lui avait causées le mal de mer. « Il ne le croyait pas, nous dit son fils, et attribuait sa mauvaise santé au mal héréditaire qui se manifestait dans quelques-unes des générations passées sous forme de goutte. » Quoi qu’il en soit, il souffrit beaucoup et souvent ; pendant quarante ans, il n’eut jamais un jour de bonne santé comme les autres hommes » (p. 173). Naturellement cela l’obligeait à travailler avec modération et quelquefois à suspendre ses occupations, et cela aussi rend réellement admirable la grandeur de l’œuvre qu’il sut mener à bonne fin.

En 1839 fut publié le Journal of Researches, en 1844 des observations sur les îles volcaniques visitées pendant le voyage à bord du Beagle, en 1846