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ANALYSES.f. darwin. Vie de Ch. Darwin.

rations très graves, dont une sur un enfant, « mais, dit-il, je m’enfuis avant la fin. Depuis, je n’y suis point retourné aucune raison n’aurait pu m’y décider. Ceci se passait longtemps avant l’emploi béni du chloroforme. Ces deux cas me hantèrent pendant des années. » Dans la seconde année de son séjour, il suivit des cours de géologie et de zoologie qui furent « incroyablement ennuyeux ». « Le seul effet, ajoute-t-il, qu’ils produisirent sur moi, fut que je pris la détermination de ne jamais lire un livre de géologie ou d’étudier cette science » (p. 45).

Un goût passionné pour la chasse se développait en lui et dura jusqu’à ce qu’il fut étouffé par le goût des recherches scientifiques, pendant son voyage à bord du Beagle. On ne sait trop pourtant s’il s’livrait absolument sans scrupule. « Je suppose, dit-il lui-même, que j’ai dû être à demi honteux de cette ardeur, car j’essayai de me persuader que la chasse était presque une occupation intellectuelle : il fallait tant d’adresse pour juger où l’on trouverait le plus de gibier et pour bien ancer les chiens » (p. 47).

Cependant le goût de la carrière médicale ne lui venait pas. Il savait que son père avait une fortune suffisante pour qu’il n’eût pas à surmonter ses répugnances pour telle ou telle carrière, et ne tâchait pas de les vaincre. Son père lui proposa alors d’entrer dans l’Église. « À juste raison, il s’opposait avec véhémence à ce que je devienne un homme de sport inoccupé, ce qui semblait alors ma destinée » (p. 49).

Pour être clergyman, il fallait aller à l’université et prendre un grade. Darwin passa donc trois années à Cambridge (1828-1831). Pendant ces trois ans, nous dit-il, « je perdis mon temps en ce qui concerne les études académiques, aussi bien qu’à Edimbourg et à l’école ». Il étudia un peu les mathématiques, reprit les classiques et la géométrie pour se préparer à prendre son dernier grade, celui de bachelier ès arts.

Son séjour à Cambridge lui fut très utile, en le mettant en rapport avec des hommes distingués qui l’associèrent à leurs travaux scientifiques. Il continuait à se livrer avec ardeur aux sciences naturelles et aussi à la chasse. Ses occupations étaient en réalité des plus diverses. « Entomologie, équitation, chasse dans les marais, soupers, parties de cartes, musique dans la chapelle du roi, galeries de Fitz William Museum, promenades avec le professeur Henslow, tout cela se combinait pour remplir agréablement une vie heureuse » (p. 183).

Darwin se faisait déjà remarquer ; un de ses anciens amis, M. Herbert, parle de lui en ces termes : « Il me serait inutile de parler de ses étonnantes facultés intellectuelles, mais je ne puis terminer cette esquisse rapide et décousue sans dire — et je suis sûr que tous ses amis de collège encore de ce monde s’associeront à moi — qu’il était le plus naturel, le plus compatissant, le plus généreux, le plus affectionné des amis. Les sympathies allaient à tout ce qui est bien et vrai, il avait la haine de tout ce qui est faux, vil, cruel ou peu honorable. Il n’était pas seulement grand, mais essentiellement bon, juste et aimable » (p. 18). Darwin lui-même, et il n’est pas porté à se glorifier, se rend