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encore cette liberté qui est l’antidote des passions avilissantes, des instincts irréfléchis, de la peur par exemple[1].

Nous ne pouvons entrer dans le détail de tous les problèmes étudiés ; qu’il nous suffise de dire que, soit qu’il s’agisse de la Solidarité morale[2], soit qu’il s’agisse du Génie dans l’art ou des Causes finales, c’est toujours ou bien la foi en l’absolu ou bien la croyance à la liberté qui sert de point de départ à l’approbation ou à la critique.

On le voit, ce sont là des opinions communes à bien des penseurs, mais les idées sont présentées sous une forme souvent si neuve et toujours si vive, qu’elles deviennent vraiment originales. « Quand on joue à la paume, disait Pascal, c’est une même balle dont on joue l’un et l’autre ; mais l’un la place mieux. » Le meilleur éloge que l’on puisse faire de ce livre, c’est qu’une fois qu’on l’a ouvert on ne le referme qu’à la fin, et encore est-ce à regret.

D’ailleurs ce n’est pas seulement l’agrément du style qui nous tient sous le charme ; un autre intérêt s’attache à cette lecture. Presque tous les sujets traités ont, en effet, pour point de départ une des productions de la littérature philosophique contemporaine. C’est tantôt le livre de M. Ribot sur l’Hérédité, tantôt celui de M. Janet sur les Causes finales qui est pris pour thème[3]. La plupart des lecteurs de la Revue philosophique retrouveront là, assez exactement résumés, quelques-uns des ouvrages de leurs amis ou de leurs maîtres ; citons entre autres les noms de MM. Guyau[4], Séailles[5], Marion. Nous avons nous-même lu avec un vif intérêt l’exposition et la critique[6], peut-être un peu trop minutieuse, de la thèse de M. V. Egger, dont nous avons pu apprécier les leçons.

Il n’y a rien à dire, au point de vue philosophique, du second volume, qui contient les Portraits : encore la psychologie pourrait-elle trouver à glaner dans ces analyses fines et ces descriptions prises sur le vif.

On peut ne pas partager les vues de l’auteur, et nous sommes bien loin d’être complètement d’accord avec lui, mais on ne peut méconnaître sa sincérité absolue et l’entière bonne foi avec laquelle il se pénètre des idées d’autrui et s’efforce de les présenter sous leur meilleur jour deux qualités également précieuses, surtout dans un ouvrage de critique comme les Mélanges.

Peut-être M. Caro ne va-t-il pas toujours assez au fond des doctrines ; il ne nous en présente souvent que la surface, et semble ignorer parfois les conséquences ultimes de sa propre pensée et les difficultés dernières contre lesquelles le dogmatisme spiritualiste vient de heurter.

  1. La peur — à propos du livre de A. Mosso. T. I, p. 147.
  2. T. I, p. 220, à propos de la thèse de M. Marion.
  3. T. I, p. 319.
  4. Les idées antiques sur la mort et la critique de ces idées par Épicure, T. I, p. 253.
  5. T. I, p. 299.
  6. T. I, p. 345.