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ANALYSES.e. pluzanski. Philosophie de Duns Scot.

former de Dieu ; il y en a une plus simple et plus parfaite, l’idée de l’être infini. Ce n’est pas un concept négatif créé par « évidement » (suffossio) ; l’infinitude de Dieu est une notion positive en tant qu’elle exprime que Dieu excède par sa perfection tout le fini. Mais contrairement à l’opinion de M. Hauréau, Duns Scot n’admet pas l’intuition intellectuelle ni la vision en Dieu : la thèse fort différente qu’il soutient avec saint Augustin, saint Thomas et tous les scolastiques, est la thèse du concours divin dans la connaissance. Notre connaissance de Dieu est due « non à une illumination où notre âme serait comme passive, mais à l’énergie de l’intellect actif, qui est une participation de la lumière incréée et qui rend lui-même lumineuses les données de l’expérience » (p. 88). La science de Dieu, la théologie est possible : elle s’appuie sur la révélation, elle a pour rôle de l’interpréter et de l’expliquer. La démonstration de l’existence de Dieu fondée sur la définition de sa nature, sur la considération de son essence, n’a pas sa place dans la métaphysique de Duns Scot : nous ne pouvons atteindre à l’existence de Dieu qu’en remontant des effets à la cause. Scot n’accepte pas la preuve qui repose sur l’existence d’un premier moteur : à vrai dire il ne la critique pas, il la passe sous silence, c’est qu’il n’admet pas le principe aristotélicien que rien n’agit sur soi-même, que tout être a en dehors de soi la cause de son mouvement. « Dieu, selon Scot, est prouvé comme cause efficiente, comme fin suprême, comme nature éminente, principe des autres natures » (p. 136). — L’âme connaît directement ses actes et, en les connaissant, elle prend conscience de son existence : elle les connaît sans espèces, mais les idées plus générales qu’elle se fait d’elle-même sont accompagnées d’espèces, non pas reçues du dehors comme celles qui viennent des représentations de l’imagination, mais totalement expresses (p. 78). Godefroy avait soutenu que la volonté n’était pas par elle-même la cause de son action, mais que c’était l’objet de l’action représenté dans l’imagination qui déterminait l’action pour Scot au contraire, qui n’admet pas le principe que rien ne se meut soi-même, la volonté est cause d’action, elle est à la fois puissance active et forme indéterminée capable de recevoir une certaine détermination. L’idée de l’acte entraîne l’acte, la liberté consiste dans le choix des idées : c’est ainsi la volonté qui se meut elle-même, l’idée motrice sert d’intermédiaire entre la volonté en tant qu’elle détermine et la volonté en tant qu’elle est déterminée. Le péché est un désordre, une désobéissance à l’ordre divin : il n’y a pas d’acte essentiellement mauvais, de souverain mal. Le péché résulte de notre désir de l’infini : « Notre volonté ne peut se reposer que dans la possession d’un bien infini. Or cet objet ne lui est pas actuellement présenté, et par conséquent elle n’a pas pour lui un sentiment direct et actuel. Aussi peut-elle s’attacher à quelque chose qui ne se rapporte pas à cet objet infini et qui n’est un bien qu’en apparence (p. 100). Scot n’est pas d’accord avec Aristote sur la question des rapports de l’âme et du corps : il admet l’unité et l’immor-