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mariage et de la famille : « Elle va d’un communisme plus ou moins grand à l’individualisme, du clan où tout est solidaire, à la famille et à l’individu, ayant leurs intérêts propres et aussi distincts qu’il se peut de ceux des autres familles et des autres individus. »

Après avoir étudié le passé du mariage et de la famille, l’auteur dit quelques mots de leur avenir, et c’est par là que son livre se termine. Il pense que la famille actuelle est destinée à céder la place à de nouvelles institutions. « Si, comme il est probable, l’évolution individualiste, depuis si longtemps commencée, se continue dans l’avenir, la famille civilisée, c’est-à-dire la dernière unité collective des sociétés, devra se désagréger encore et, en fin de compte, ne plus subsister que dans la généalogie, scientifiquement enregistrée avec un soin toujours plus grand, car il est et sera toujours important de pouvoir préjuger comment « la voix des ancêtres » peut parler dans l’individu. Mais de l’émiettement même de la famille résultera la reconstitution d’une plus grande unité collective, ayant des intérêts communs et ressuscitant sous une autre forme, la solidarité, sans laquelle aucune société ne saurait durer.

« Mais cette collectivité nouvelle ne sera nullement un calque du clan primitif. Qu’elle s’appelle état, district, canton ou commune, sa tutelle sera à la fois despotique et libérale ; elle réprimera tout ce qui serait de nature à nuire à la communauté, mais, pour tout le reste, elle s’attachera à laisser aux individus la plus entière indépendance. » Je note simplement en passant que ces principes peuvent justifier le plus complet despotisme, — tout acte de n’importe quel citoyen pouvant être envisagé comme susceptible de nuire ou de profiter à la communauté.

Naturellement la modification du mariage doit accompagner la modification de la famille. M. Letourneau pense cependant que « le mariage monogamique subsistera ». Mais, ajoute-t-il, il y entrera de plus en plus d’égalité, de moins en moins de contrainte légale… il est donc vraisemblable qu’un avenir plus ou moins lointain inaugurera le régime des unions monogamiques, librement contractées et au besoin librement dissoutes, par simple consentement mutuel. »

L’Evolution du mariage et de la famille est un des meilleurs ouvrages de l’auteur. Les faits y abondent et sont bien classés, la lecture en est facile et intéressante. Peut-être l’analyse des doctrines ou des faits gagnerait-elle à être plus minutieuse. Tel qu’il est, c’est un livre à recommander et qui rendra des services.

F. P.

E. Pluzanski. — Essai sur la philosophie de Duns Scot, in-8o, 296 p. E. Thorin, 1887.

M. Pluzanski a été frappé du désaccord qui existe entre les historiens qui se sont occupés de Duns Scot. Si tous sont unanimes à reconnaître le grand rôle qu’ont joué ses doctrines, ils sont loin de s’entendre sur