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ANALYSES.ch. letourneau. L’évolution du mariage.

quer certains points. Remarquons en passant que, en pays sauvage, « la fragilité extrême des mariages est commune. Toujours l’homme a le droit de répudiation, et assez souvent la réciproque existe. Le fait semble même être moins rare chez les sauvages qu’il ne l’est plus tard, à la période moyenne du développement des civilisations, quand la famille patriarcale est solidement constituée ». À propos de l’adultère, l’auteur fait ressortir la différence de conditions de la femme et du mari dans les formes inférieures de la société. « Nous voyons l’adultère tout d’abord puni comme un vol exécrable, châtié principalement sur la femme considérée comme une propriété en révolte. Pour elle seule la fidélité est obligatoire. Quant au mari adultère, il est puni, s’il l’est, comme ayant abusé de la propriété d’autrui, mais non comme ayant manqué à la loi conjugale. » Presque toujours, en effet, la femme, « en raison de sa faiblesse native, a été subordonnée à son compagnon, souvent opprimée par lui, et sa sujétion est d’autant plus dure que la civilisation est plus primitive. Cependant lorsque l’organisation de la propriété permet à la femme de s’enrichir, elle peut acquérir une certaine indépendance : c’est ce qui s’est produit dans l’ancienne Égypte, plus tard des faits analogues se produisaient en Grèce et à Rome. Chez les Touâreg, il existe certaines mœurs qui rappellent fort notre époque méridionale des troubadours, des cours d’amour et de la chevalerie quintessenciée. Mais il importe de remarquer que chez les Touareg, comme chez les Provençaux et les Aquitains du xiie siècle qui peuvent fort bien avoir eu des ancêtres berbères, ce sont là divertissements et galanteries d’aristocrates et de princes, n’empêchant nullement l’asservissement général des femmes… Il importe aussi de remarquer que l’indépendance de la dame berbère, à laquelle les pauvres serves épargnent la peine de moudre, de cuisiner, etc., etc., repose encore sur le magique pouvoir de l’argent. « Par cumul, nous dit Duvergier, la plus grande partie de la fortune est entre les mains des femmes. »

L’évolution du mariage peut se résumer ainsi : Tout d’abord, dans le genre humain, comme chez les grands singes anthropomorphes, les unions sexuelles n’ont été soumises à aucune règle ; la promiscuité a été rare, exceptionnelle ; mais la polygamie a été fort commune, du moins une polygamie grossière, nullement réglée et résultant seulement de l’accaparement des femmes par les plus forts et les plus riches. C’était une période d’anarchie conjugale, comportant simultanément, pendant des périodes plus ou moins longues, des formes matrimoniales singulières : la polyandrie, les mariages à terme, les mariage d’essai, etc.

« En dehors même de leur rôle primordial de génitrices, les fe étant des êtres fort utiles, soit pour l’assouvissement des désirs sensuels, soit pour exécuter nombre de travaux pénibles, on s’efforça de s’en procurer le plus possible, par le rapt d’abord, puis par achat ou en fournissant une certaine somme de travail, en s’astreignant à une servitude temporaire. Durant les phases premières de leur évolution