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ANALYSES.ch. letourneau. L’évolution du mariage.

Ch. Letourneau. L’évolution du mariage et de la famille. 1 vol.  in-8o, 467 p.., formant le tome VI de la Bibliothèque anthropologique. Paris. Adrien Delahaye et Émile Lecrosnier, 1888.

L’homme est un « vertébré mammifère bimane » et, « une fois bien établi que l’homme est un mammifère comme un autre, ne se distinguant des animaux de sa classe que par un plus grand développement cérébral, toute étude de sociologie humaine devra logiquement avoir pour préambule une étude correspondante de sociologie animale. Bien plus, comme, en définitive, la sociologie a pour support la biologie il sera nécessaire de rechercher dans les conditions physiologiques elles-mêmes les origines des grandes manifestations sociologiques. » M. Letourneau commence en conséquence son ouvrage par deux chapitres, l’un sur les origines biologiques du mariage, l’autre sur le mariage et la famille chez les animaux. Nous ne nous y arrêterons pas, ils sont intéressants et bien à leur place, mais ne contiennent rien de particulièrement original et ne peuvent être d’ailleurs qu’une introduction au sujet principal. Le chapitre III traite de la promiscuité, l’auteur commençant, selon la méthode transformiste, par les plus inférieures formes de l’association sexuelle. Il est conduit à discuter la théorie de la promiscuité générale primitive. « Quelques sociologistes, dit-il, ont admis, sans hésiter, que la communauté des femmes représentait un stade primitif et nécessaire des associations sexuelles dans l’humanité. Sûrement ils auraient été moins affirmatifs sur ce point si, comme nous, ils n’avaient abordé la sociologie humaine qu’après avoir consulté la sociologie animale. Nous avons vu que nombre d’animaux vertébrés sont susceptibles d’une vraie passion exclusive et jalouse, même quand ils sont de déterminés polygames. À vrai dire, les vertébrés, pour lesquels l’amour n’est qu’un besoin comme un autre, semblent bien être en minorité. Il en est, les oiseaux par exemple, qui sont des modèles de fidélité, de constance, d’attachement impérieux et dévoué bien propres à inspirer à l’homme des sentiments de modestie. Les mammifères, tout en étant moins délicats en amour que beaucoup d’oiseaux, sont cependant pour la plupart déjà parvenus à un niveau moral incompatible avec la promiscuité. Les mammifères les plus voisins de l’homme, ceux que nous pouvons considérer comme les effigies les plus proches de nos ancêtres animaux, les singes anthropomorphes, sont tantôt monogames, tantôt polygames ; mais d’ordinaire ils ne supportent pas la promiscuité. » Il y a là une sorte de raison a priori pour que la promiscuité n’ait pas été la règle absolue de l’humanité à ses débuts, mais elle a évidemment besoin d’être confirmée par les faits. M. Letourneau les examine longuement. D’abord il faut bien reconnaître que la promiscuité a pu être pratiquée par certains groupes humains. Ainsi les Indiens indigènes de la Californie « s’accoupleraient à la manière des mammifères inférieurs, sans la moindre formalité et suivant le caprice du moment » ; d’après Baqaert, « ils célébreraient même des fêtes et des danses propitiatoires, qui seraient suivies d’une