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ANALYSES.l. liard. Définitions géométriques, etc.

Il est donc évident que l’axiome non seulement peut entrer dans une démonstration, mais même doit en faire essentiellement partie. Et il serait vraiment étrange qu’il en fût autrement, puisque la démonstration ne se fait que par la causalité du moyen terme ; mais le moyen terme emprunté à la définition n’est lui-même qu’une cause instrumentale, il n’est, comme son nom l’indique, qu’un moyen ; c’est l’axiome éternel et nécessaire qui est le premier moteur immobile, cause première de toute causalité intermédiaire et, par elle, de la démonstration.

Ce qui nous permet de comprendre pourquoi MM. Lachelier et Liard ont ainsi enlevé aux axiomes leur rôle essentiel pour les reléguer comme les dieux d’Épicure dans une sorte d’oisiveté olympique, c’est qu’ils donnent à l’esprit un rôle important et peut-être exagéré dans la formation des définitions. Ils insistent sur l’a priori qui, d’après eux, est nécessaire à la constitution aussi bien des définitions empiriques que des démonstrations géométriques. Pour eux, la définition empirique elle-même renferme une nécessité formelle qui peut dès lors s’appliquer à la démonstration et en enchaîner les termes. La causalité axiomatique devient ainsi superflue et son rôle se trouve dévolu à la définition.

Mais c’est une question de savoir si l’esprit joue dans les définitions un rôle aussi prépondérant que celui que lui attribue notre auteur. Dans les définitions empiriques d’abord, il faut avouer que la nécessité qui vient de l’esprit est purement formelle, puisque ces définitions sont toujours temporaires et provisoires. Aussi M. Liard n’admet-il pas que ces définitions puissent donner lieu à aucune démonstration. Cela est peut-être exagéré. Il semble en effet que la démonstration syllogistique puisse se construire en partant de la définition empirique ; il faudra seulement reconnaître que la valeur de sa conclusion sera précisément égale à celle de la définition. Or, ce qui fait la valeur scientifique de la définition, c’est, non pas sa forme, toujours la même, mais sa matière changeante. Aussi ne faudrait-il pas dire seulement, dans la théorie qu’adopte M. Liard, que la démonstration syllogistique est impossible en partant des définitions empiriques, mais peut-être faudrait-il aller jusqu’à reconnaître avec Stuart Mill que le syllogisme n’a aucune valeur démonstrative. Le syllogisme de la qualité n’est plus qu’un jeu formel et sans valeur ; par suite, il n’y a plus de science véritable de la nature, s’il est vrai de dire avec Aristote que la science est le produit de la démonstration. De quoi nous a-t-il servi alors d’établir la valeur et le fondement de l’induction, si nous ne pouvons jamais atteindre, grâce à l’induction, une définition certaine ?

Quant aux définitions géométriques, il semble ici encore que M. Liard ait exagéré la part que prend l’esprit à leur formation et négligé la part très importante de l’expérience. L’esprit, dit-il, découpe a priori les figures dans l’espace par le mouvement. L’opération est-elle tout entière a priori ? La notion de mouvement n’est-elle pas au contraire d’origine essentiellement expérimentale ? Et ainsi les directions générales du mouvement étant empiriquement données, bien que l’esprit les rectifie