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ANALYSES.l. liard. Définitions géométriques, etc.

liste. C’est aussi ce que fait M. Liard. Il commence par constater qu’en fait la science est loin d’avoir réduit tous les phénomènes du monde à des modes du mouvement, puis il montre que cette réduction offre des difficultés insurmontables à l’esprit humain à cause du nombre infini d’éléments à connaître et du nombre infiniment infini de leurs relations, il prouve enfin que l’ordre que manifestent les lois de la nature et en particulier l’harmonie organique qui constitue la vie ne peuvent s’expliquer par le mécanisme. « La vie, dit-il, résulte du concours sympathique des séries d’antécédents et de conséquents vers une fin commune. Vouloir la réduire au mécanisme pur, c’est la supprimer, et l’on prétend qu’on en a rendu compte (123). » La qualité n’est donc pas réductible à la quantité, les définitions qui expriment des assemblages de qualités sont donc essentiellement différentes de celles qui expriment de pures relations quantitatives.

Ayant ainsi établi la légitimité d’une théorie particulière de la définition empirique, M. Liard procède à la constitution de cette théorie. Il commence par nous montrer comment les attributs dont la synthèse forme un être individuel sont les uns accidentels et singuliers, les autres essentiels et généraux. « Parmi ceux-ci même, tous ne se présentent pas sur le même plan. Ils sont hiérarchisés les uns par rapport aux autres et l’individu forme ainsi, aux yeux de la science, un système de dispositions organiques formant des groupes de plus en plus généraux, subordonnés les uns aux autres (128). » Après être arrivé à ce résultat par l’analyse, l’auteur, suivant maintenant l’ordre synthétique, nous montre comment de l’idée générale d’être vivant sortent dans leur ordre de complexité croissante et de généralité décroissante les embranchements, les classes, les ordres, les familles, les genres et les espèces. Et si l’on peut remonter avec certitude de l’espèce au genre, du genre à la famille, de la famille à l’ordre et ainsi de suite, on ne peut suivre la marche inverse. Les caractères des groupes supérieurs dominent et commandent les caractères, non pas d’un seul, mais de plusieurs groupes inférieurs. Aussi la présence des premiers laisse-t-elle le choix entre un certain nombre d’organisations subordonnées. Par exemple, tout mammifère est vertébré ; mais tout vertébré peut être mammifère, oiseau, reptile, batracien ou poisson (132). « Car, ajoute l’auteur, une fin unique peut être réalisée par des systèmes variés et plus ou moins compliqués de moyens (133). »

Ayant ainsi déterminé la notion de la définition empirique, fidèle au plan qu’il s’est proposé, M. Liard va déterminer quelle est sa valeur. Il remarque d’abord que toute classification implique une induction. Nous étendons à tout l’espace et à tout le temps les lois que nous n’avons constatées qu’en quelques points de l’espace et du temps. L’auteur appelle cela une double induction. Il nous semble que le mot induction tout court suffirait. Induire, c’est universaliser des notions ; or, universaliser, c’est négliger systématiquement tout ce qu’il y a de particulier dans les relations temporelles et spatiales, c’est donc à la