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la définition géométrique est à priori et qu’elle ne peut se confondre avec une définition de mots. Sur ce sujet de la définition de mots, l’auteur a écrit quelques pages excellentes (77-82) et à notre sens décisives.

Quel est maintenant le rôle des définitions dans les démonstrations géométriques ? Aristote admettait que la démonstration était le produit de deux principes, les principes communs ou axiomes et les principes propres ou définitions. D’après M. Liard, qui se réfère à ce qu’il appelle une démonstration donnée par M. Lachelier, les axiomes ne joueraient aucun rôle dans la démonstration géométrique, pas plus d’ailleurs que dans aucune autre (p. 101), bien plus ils apporteraient par leur intrusion un vice formel dans le syllogisme démonstratif. Nous signalons seulement ici cette proposition, que nous examinerons plus loin. Si elle est admise, il faut dire avec M. Liard que « les définitions fournissent les données des questions à résoudre et les intermédiaires qui les unissent dans la démonstration (p. 103) ». Les définitions fournissant ainsi les deux termes et le moyen, la démonstration est leur œuvre propre et exclusive.

À la suite de M. Lachelier, l’auteur distingue soigneusement le syllogisme de la qualité du syllogisme de la quantité dont le syllogisme géométrique est un des exemples. Dans celui-ci le raisonnement s’opère entre termes rigoureusement égaux, par substitution ; dans le premier, le raisonnement s’opère entre termes d’extension et de compréhension différentes, par inclusion ou exclusion. Aussi la copule des propositions logiques a-t-elle une signification bien plus vague que celle des propositions géométriques, qui a toujours une signification d’une précision absolue : =, >, <. Cependant M. Liard n’admet pas que les propositions géométriques soient des propositions identiques, ni même des propositions analytiques. Il se range à l’opinion de Kant et voit en elles des jugements synthétiques à priori. C’est par là qu’il explique la nécessité des propositions géométriques. Il distingue cette nécessité à la fois de la nécessité physique et de la nécessité logique. Tandis que la nécessité physique résulte d’une synthèse à posteriori de phénomènes universalisée par l’esprit, que la nécessité logique vient d’une analyse à priori des éléments contenus dans le sujet, la nécessité de la géométrie découle de la construction synthétique opérée à priori par l’esprit. Or, cette construction étant exprimée dans la définition, c’est évidemment la définition qui est le principe de la nécessité géométrique.

Si tout dans la nature pouvait se ramener à des éléments géométriques, si, selon l’hypothèse du mécanisme matérialiste, tout pouvait s’expliquer par l’étendue et le mouvement, il n’y aurait pas lieu de faire une théorie de la définition empirique différente de celle de la définition géométrique, il ne devrait y avoir aux yeux de la science et, par suite, de la logique, qu’une seule espèce de définitions, celles que nous venons d’étudier. Avant donc de procéder à une théorie de la définition empirique, il faut examiner la valeur de la doctrine matéria-