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ANALYSES.l. liard. Définitions géométriques, etc.

et de la chimie, par exemple ; cependant les analyses auxquelles il se livre et, par suite, les conclusions auxquelles il arrive ne doivent être tenues absolument pour vraies que dans les deux sciences que l’auteur a prises pour types. À traduire son titre par celui-ci : Des définitions mathématiques et des définitions empiriques, on risquerait de se méprendre et de lui reprocher des confusions qu’il n’a point faites. Il n’est donc ici question que de géométrie et d’histoire naturelle et, si l’on voulait appliquer les théories de M. Liard aux sciences voisines, on ne devrait le faire qu’avec de sérieuses modifications.

Parlons d’abord des notions géométriques et examinons leur origine. Difficile question résolue de deux manières entièrement opposées, par l’école empirique et par l’école idéaliste. La première soutient que les notions géométriques sont formées par l’abstraction travaillant sur une matière expérimentale. La seconde prétend que les notions géométriques sont construites de toutes pièces par l’esprit, sans aucune expérience préalable. M. Liard objecte aux empiristes que l’abstraction ne saurait expliquer ni la rectitude légale des contours géométriques, ni l’inépuisable variété des figures, que la généralisation enfin ne saurait expliquer la constance immuable et nécessaire des figures une fois posées. Il faut donc que l’esprit intervienne dans la formation des notions géométriques. Mais il ne les crée cependant pas de toutes pièces, il a besoin d’une matière à laquelle il peut imposer les formes qu’il veut, d’une étoffe où il peut comme découper les figures comme il l’entend. Cette matière que l’esprit ne se donne pas, mais qui lui est intuitivement donnée, c’est l’espace. M. Liard montre ici par une savante analyse que cette intuition de l’espace à trois dimensions est indispensable aux conceptions même de la géométrie imaginaire, non sans doute quand elle se contente d’analyser des formules algébriques, car elle n’est alors qu’une algèbre, mais quand elle fait appel à la conception de l’hyperespace, car cette conception même « implique une induction impossible sans l’intuition de l’espace à trois dimensions ».

Ainsi l’esprit à l’aide de l’espace va engendrer les figures géométriques. Comment ? À l’aide du mouvement. Le mouvement implique l’espace, mais non la figure géométrique, puisque la figure n’est que l’espace déterminé et que le mouvement crée les déterminations de l’espace. M. Liard développe, dans un très intéressant chapitre (38-65), comment l’esprit engendre les lignes, les surfaces, les volumes, comment il passe de la géométrie élémentaire à la géométrie analytique, comment enfin il arrive à la position de l’infini géométrique et il conclut que la définition géométrique doit se faire per generationem, c’est-à-dire exprimer la loi imposée par l’esprit au mouvement pour construire la figure. D’où il croit pouvoir tirer cette conclusion que la définition en géométrie ne se fait pas par le genre et la différence spécifique, que les relations d’espèce à genre ne sont en géométrie que des relations apparentes et sans fondement réel. Nous nous réservons de discuter ce point très important. Quoi qu’il en soit, il est certain que