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G. TARDE.la dialectique sociale

faire admettre, beaucoup d’autres inventions qui aspirent à se faire utiliser. Ce sont parfois des idées et des recettes très anciennes, conservées dans quelques familles, à l’usage d’une clientèle restreinte, ou dans le fond de quelques mémoires, dans le coin de quelque bibliothèque monacale. Aussi longtemps que ces idées ont été contredites par les opinions en vogue (par exemple, les idées d’Épicure par les dogmes chrétiens, l’hypothèse pythagoricienne sur le mouvement de la terre autour du soleil par la foi en la vérité absolue des livres hébreux) ; aussi longtemps que ces inventions ont été stérilisées par des inventions jugées plus utiles ou par des croyances hostiles aux besoins qu’elles étaient propres à satisfaire, ou par des habitudes enracinées contraires à ces besoins (par exemple, certaines industries des anciens Romains, les thermes, les amphithéâtres, les aqueducs et les ponts, par le changement chrétien des mœurs et des goûts) ; ces découvertes et ces inventions, quoique subsistantes au fond de la société, n’y ont joué aucun rôle apparent. Mais le jour où quelque cause nouvelle (par exemple l’apparition des sciences modernes contraires au dogme chrétien, ou du luxe moderne contraire aux mœurs chrétiennes) a fait tomber ou a ébranlé l’obstacle qui s’opposait à leur propagation dans le public, aussitôt elles se sont remises à circuler ; de là, le phénomène qu’on a appelé renaissance ou restauration à diverses époques. Rien de plus semblable aux faits d’atavisme. Mais je ne veux pas insister davantage sur ces comparaisons du monde social avec le monde vivant, encore que j’y cherche, non à éclairer celui-là par celui-ci, comme on a l’habitude abusive de le faire, mais au contraire celui-ci par celui-là.

G. Tarde.