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y voit en présence deux courants d’imitation qui se rencontrent et tendent à se prolonger l’une aux dépens de l’autre. Que va-t-il résulter de là ? Plusieurs phénomènes, suivant les divers cas qui peuvent se présenter. Si les deux industries concurrentes (deux fabriques de bitter différent, deux fabriques de faïence, etc.) luttent à armes à peu près égales, on verra une troisième industrie, beaucoup plus faible et inaperçue jusque-là, triompher à la faveur de leur opposition. Supposez, dans ce cas, que les trois industries émanent à la fois de la mère-patrie ou bien de deux États d’Europe, où les deux premières sont très répandues et la troisième presque inconnue, il arrivera que, sous le rapport industriel dont il s’agit, la colonie ne ressemblera nullement à la métropole ou aux États en question, ce qui n’empêche pas qu’elle n’ait copié cette métropole ou ces États. Les lois de l’imitation ont donc été obéies, alors même qu’il semble n’y avoir pas eu imitation, de même que les forces motrices produisent leur effet total conforme aux lois de la mécanique, alors même que leur équilibre à un certain moment se traduit par le repos du point matériel auquel elles s’appliquent.

En second lieu, il peut arriver que, des deux industries rivales dont j’ai parlé, l’une l’emporte décidément sur l’autre par les avantages intrinsèques ou extrinsèques dont elle dispose ; dans ce cas, elle se répandra seule et refoulera l’autre, la troisième restant dans son néant. — Il peut se faire enfin que la supériorité de la première sur la seconde ne soit pas suffisante pour écraser celle-ci, qui parviendra à vivre en un petit domaine réservé et préservé. — Dans tous les cas, il y aura différenciation de la colonie, quoique en somme, je le répète, la colonisation ait été avant tout une œuvre d’imitation. J’excepte le cas, bien entendu, où de nouvelles inventions auraient surgi dans le cerveau des colons. Ce cas correspond à celui où les descendants présentent des qualités spéciales dont le germe même ne préexistait pas chez les parents ni chez les ancêtres. — Ainsi, la logique sociale règle la lutte ou l’accord, la soustraction ou l’addition des imitations en présence dans une nation naissante ou croissante, de la même manière que la logique vitale, pourrait-on dire en donnant un nom à ce qui n’en a pas reçu dans la langue des naturalistes, règle la lutte ou l’accord des hérédités en présence dans un organisme naissant ou croissant.

Il est facile d’expliquer l’atavisme, l’hérédité à longue portée, par application de l’idée précédente. À chaque moment de l’histoire, en chaque peuple, il y a, outre les découvertes et les inventions, outre les croyances et les besoins qui y règnent et y colorent de leur teinte propre l’état social, beaucoup d’autres découvertes qui aspirent à se