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LA DIALECTIQUE SOCIALE

(Fin[1].)

I. L’accouplement logique

Après avoir parlé des inventions ou des découvertes qui se combattent et se substituent, j’ai à traiter de celles qui s’entr’aident et s’accumulent. Notons, en premier lieu, que les découvertes sont toujours plus ou moins fausses, comme les inventions sont toujours plus ou moins inutiles ou inadaptées, et que, par suite, les premières comme les secondes sont substituables ; mais que les inventions, en revanche, sont toujours plus ou moins utiles, comme les découvertes sont plus ou moins vraies, et que, par conséquent, celles-là comme celles-ci sont accumulables.

Autre observation. L’ordre que nous avons suivi ne doit pas laisser croire que le progrès par substitution est, si l’on remonte aux origines, le prédécesseur du progrès par accumulation. En réalité, celui-ci a dû précéder nécessairement celui-là, de même que, visiblement, il le suit ; il est l’alpha et l’oméga ; et l’autre n’est qu’un moyen terme. — Les langues, par exemple, ont certainement commencé à se former par une acquisition successive de mots, de formes verbales, qui, exprimant des idées inexprimées encore, n’ont trouvé aucune rivalité à vaincre pour s’établir ; et cette circonstance a facilité sans doute leurs premiers pas. Au premier début de la plus ancienne religion, les légendes et les mythes dont elle s’est enrichie, réponses à des questions toutes neuves encore, n’ont trouvé pour les contredire aucunes solutions antérieures, et il leur était facile de ne pas se contredire entre eux, puisqu’ils répondaient séparément à des questions différentes. Les coutumes les plus primitives ont eu sans doute de la peine à s’implanter sur l’indiscipline propre à l’état de nature ; mais, répondant à des problèmes juridiques non encore posés, réglant des rapports individuels sans règles encore, elles ont eu la chance de n’avoir aucunes coutumes préexistantes à combattre,

  1. Voir le numéro précédent de cette Revue.