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autre chose quelle féminin du nom d’agent cultor, « celui qui soigne, cultive, » d’où pour cultura le sens primitif de « (la chose) qui soigne, cultive ». Il est infiniment probable que les noms d’actions en us comme ductus, « le fait de conduire, conduite, » et en tio(n) comme donatio, « le fait de donner, donation, » ont une origine logique semblable.

Mais bien que les substantifs, les noms d’agents et les noms d’actions dérivent tous, d’une manière plus ou moins directe, des noms de qualités primitifs, ou des substantifs-qualificatifs, et qu’ils expriment essentiellement des qualités : le soleil ou le feu = ce qui brille ; le couteau ou la charrue = ce qui coupe ; la coupure ou la culture= ce qui coupe, d’où le fait de couper ; l’amour ou la passion = ce qui aime, d’où le fait d’aimer, etc., l’idée qui s’y attache implique des qualités ou des attributs secondaires. L’éclat du soleil diffère en effet de celui du feu et l’action tranchante du couteau n’est pas identique à celle de la charrue. Ces distinctions naturelles en nécessitèrent de correspondantes dans le langage et provoquèrent la création d’adjectifs dérivés, ou d’attributifs, comme solaire, igné, amoureux, passionné, etc.

Il importe d’ajouter que, pour les raisons que nous avons vues, les qualificatifs primitifs comme brillant ne désignent la qualité qu’abstraction faite de la substance, tandis que les attributifs dont la création est postérieure à l’idée des genres substantiels désignés par les substantifs proprement dits et qui dérivent de ceux-ci, peuvent s’appliquer soit à la qualité spéciale qui caractérise les substances, les agents ou instruments et les actions : exemples, solaire, dans lumière solaire, affilé dans couteau affilé, lente dans démarche lente ; soit et plutôt à l’ensemble des qualités qui correspondent aux mêmes catégories : exemples, solaire dans le disque solaire ; paternel, dans conduite paternelle ; amoureux, dans tempérament amoureux, etc.

En résumé, les qualificatifs désignent toujours des qualités générales ou simples ; et les attributifs, toujours des qualités particulières ou complexes.

Nous avons vu que la nature des substantifs qualificatifs suppose qu’ils correspondent à une période psychologique où l’intelligence ne distinguait pas dans un objet la substance de telle qualité principale avec laquelle elle s’identifiait pour la sensation. Plus tard, quand les genres véritables furent distingués, — et ils ne purent l’être qu’après qu’on eut reconnu des qualités secondaires spécifiques dans des objets où l’on n’en voyait d’abord qu’une seule commune à tous, à la suite par exemple de remarques d’après lesquelles on avait constaté que le soleil est non seulement brillant, mais qu’il