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Les noms des objets matériels ou substantiels reposent donc sur des substantifs-qualificatifs qui désignaient à l’origine l’ensemble des choses lumineuses, ou des choses sèches, ou des choses mobiles, ou des choses dures, etc., considérées comme formant des genres, les seuls que distinguât d’une manière nette et permanente l’intelligence humaine à une certaine période de son développement.

Ceci revient à dire, rappelons-le, que ces substantifs-qualificatifs étaient des noms communs qui s’appliquaient à chacun des objets dont l’ensemble constituait le genre qu’ils avaient pour première fonction de désigner. Autrement dit encore, le même mot servait de nom au soleil, au feu, à l’éclair, etc., comme le mot homme, par exemple, désigne toute l’espèce humaine et chacun des individus qui la composent.

La distinction entre les noms des sous-genres primitifs (genres réels d’aujourd’hui) s’est faite au moyen d’un phénomène d’évolution phonétique sur lequel je ne m’étendrai pas ici, et dont l’effet a été de diversifier la forme du substantif-qualificatif de telle manière qu’à mesure que l’esprit subdivisait les genres larges des choses lumineuses, des choses sèches, des choses mobiles, etc., en genres étroits et réels consistant pour les premières, par exemple, dans les espèces soleil, étoiles, feu, lumière du jour, or, etc., il avait à son service, pour les distinguer dans le langage, des appellations spéciales dérivées de la dénomination générique primitive.

Ce procédé eut pour résultat, non seulement de fournir des noms particuliers aux espèces nouvellement distinguées d’une manière permanente, mais il laissa disponible la souche de ces noms, le substantif-qualificatif lui-même qui se trouva ne plus désigner qu’une qualité, celle d’être brillant, par exemple, après que le genre dont il était l’appellation eut disparu devant les sous-genres qu’une notion plus profonde du caractère distinctif des choses lui substitua.

D’après ce qui vient d’être dit, le rapport logique et chronologique entre ces deux espèces de mots est le suivant :

1o Genre primitif, désigné par un substantif-qualificatif : brillant.

2o Genres secondaires ou espèces, désignés par des dérivés du substantif-qualificatif ou des noms communs : soleil, feu, or, etc.

Mais, dès l’instant où le soleil cessait d’être désigné exclusivement comme brillant, son nouveau nom perdait sa demi-nature de qualificatif pour devenir entièrement substantif, puisqu’il s’attachait à l’objet soleil en tant que possesseur de différentes qualités, l’éclat, la sphéricité, la chaleur, etc., dont l’ensemble constitue sa substance.

Par un phénomène inverse, le substantif-qualificatif, brillant, en cessant de désigner expressément chacun des sous-genres, soleil, feu,