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REMARQUES SUR L’ÉVOLUTION LOGIQUE DES DIFFÉRENTES CATÉGORIES DU NOM[1]


I

Si, comme tout concourt à le prouver, dans le phénomène de la connaissance l’intelligence passe sans cesse de la notion permanente et distincte des genres plus larges à celle des genres plus étroits, pour aboutir en dernier ressort à la notion permanente et distincte des individus qui composent les genres les plus étroits ; et si le langage s’est nécessairement développé au point de vue logique d’après un processus analogue, les premières désignations ont été celles des objets qui frappaient les sens d’une manière vive et uniforme. Ces principes permettent de croire que les choses lumineuses, les choses bruyantes et les choses mouvantes sont les plus anciennes catégories génériques que l’homme a nettement distinguées par la parole, après les avoir distinguées par l’entendement. Il s’ensuit que le soleil, par exemple, le feu, l’éclair, le jour, l’or, etc., constituaient à ses yeux un genre unique d’abord auquel il a donné un nom commun, correspondant pour le sens à notre adjectif « brillant ». Cette conjecture est du reste confirmée par l’étymologie : dans nos langues, tous les mots qui désignent les choses lumineuses ou brillantes, dont il vient d’être question, se rattachent à des familles de mots dont l’idée mère est celle de briller.

Les premières dénominations étaient ainsi des noms de qualités, mais de qualités telles qu’elles s’identifiaient pour l’esprit aux substances désignées par ces noms. Ainsi le soleil était appelé le brillant, parce que le fait de briller est son mode prédominant et le seul même qu’on lui connût d’abord. Nous verrions de même que, pour des raisons semblables, l’eau est la courante ou la coulante, la terre la sèche, la pierre la dure, etc.

  1. Cf. Revue philosophique, n° du 1er novembre 1887.