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PAULHAN.finalité des éléments psychiques

sur un terrain qui ne leur était pas connu et les éléments psychiques qui s’éveillaient en elles dans ces conditions manquaient complètement de cohérence générale et s’unissaient en des systèmes qui ne s’harmonisaient pas avec l’expérience. Une intelligence abstraite n’eût pas manqué de remarquer que : 1o une force quelconque peut atteindre un certain degré et ne pouvoir aller au delà ; 2o que le phénomène dont il était question était trop mal connu pour qu’on pût dire comment il devrait être au cas où il serait réel ; 3o que des circonstances particulières pouvaient quelquefois obscurcir la faculté particulière de Pickman au cas où elle existerait, comme des circonstances particulières amoindrissent toutes les facultés possibles, etc. Ce n’est pas à dire que cette intelligence abstraite ne se puisse acquérir jusqu’à un certain point ; nous verrons tout à l’heure, en examinant les objections possibles à la manière de voir que je défends ici, comment on doit l’interpréter. En somme elle ne paraît exister que par une bonne systématisation de tous les éléments psychiques, c’est-à-dire qu’elle fait bien encore partie intégrante de ces éléments, mais qu’elle est partie intégrante de tous.

L’illogisme qui est si fréquent dans les raisonnements humains, comme chacun sait, n’est pas autre chose qu’une illustration du même principe. Un homme illogique est celui chez qui coexistent ou se succèdent fréquemment des idées qui ne sont pas en harmonie, c’est-à-dire qui ne sont pas dans un rapport parfait de finalité, mais ces idées ne sont que des systèmes d’images, de résidus moteurs, sensitifs, etc. ; chacune existe à part ; chacune a son intelligence propre, elle a son intelligence en soi, parce qu’elle est coordonnée et que l’intelligence n’est pas autre chose que cette coordination ; les systèmes pris à part sont intelligents, l’individu, leur somme, ne l’est pas.

Remarquons en passant que les idées les plus contradictoires en apparence peuvent très bien s’adapter l’une à l’autre quand on les conçoit d’une certaine manière, c’est-à-dire quand on leur retranche ou qu’on leur ajoute certains éléments sans les modifier sensiblement.

Par exemple on peut trouver que telle ou telle coutume est bonne et mauvaise à la fois, si on complète la pensée en entendant qu’elle est bonne dans certaines conditions, mauvaise dans d’autres. C’est ce fait qui a fait probablement la fortune de l’identité des contradictoires, absolument insoutenable quand on la présente comme on le fait parfois. Mais bien souvent les idées ne sont pas mises en harmonie, quoiqu’elles puissent l’être sans trop de peine ; d’autres fois encore elles ne peuvent réellement pas l’être. Les idées sur les objets de la