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tingue de celle qui produit les sentiments par un trouble psychique moins considérable, par une systématisation plus parfaite, de l’activité volontaire par le manque ou l’affaiblissement de certains éléments, impulsion et attention qui caractérisent les volitions, et de l’activité automatique par une systématisation moins parfaite et relativement plus compréhensive, mais il n’est pas nécessaire d’entrer ici dans ces distinctions et d’autres qu’on pourrait trouver, et nous pouvons nous en tenir au sens un peu vague dans lequel on prend vulgairement ce mot faculté de compréhension et de combinaison.

La pluralité des intelligences dans un sens comme dans l’autre paraît indiscutable ; tout le monde a vu avec quelle facilité chacun combine et comprend, dans une certaine sphère, avec quelle facilité il se trompe et raisonne faux s’il en sort. Il y a chez chacun des systèmes intelligents et généralement il y en a un plus grand nombre qui ne le sont pas. On raisonne bien sur un point, on raisonne faux sur d’autres ; cela se marque d’une manière frappante chez les personnes qui veulent juger des théories appartenant à des ordres de connaissances qu’elles possèdent mal : généralement elles sont incapables de faire le moindre raisonnement juste. Ce fait facile à constater est peut-être celui qui, si on l’examine un peu attentivement, montre le mieux combien l’intelligence n’est pas bien souvent une faculté générale de l’esprit ou du cerveau, mais une manière d’être particulière des systèmes psychiques qui peuvent rester isolés. Je prendrai comme exemple le fait suivant : J’ai assisté dernièrement à des séances données par un liseur de pensées, Pickman, l’émule de Cumberland. Je ne parlerai pas ici de l’interprétation que l’on doit donner de ces phénomènes ; les expériences que j’ai vues ne m’ont pas paru suffisamment concluantes pour que je me sois fait une opinion bien arrêtée ; peut-être la suggestion par le tact et le sens musculaire ne peut-elle pas tout expliquer, mais je ne l’affirmerai pas. Quoi qu’il en soit, un certain nombre de spectateurs ne voyaient là dedans qu’une mystification, et comme Pickman commettait parfois des erreurs, j’ai entendu dire : si c’était de la suggestion, il ne se tromperait jamais. C’était là une raison en faveur. Cependant les personnes qui la présentaient, si elles vont parfois à la chasse, doivent savoir qu’on manque parfois le gibier ; si elles ont fait des problèmes, elles ont pu voir qu’on arrivait quelquefois à des résultats erronés et qu’on peut se tromper même en faisant une multiplication ; sûrement elles n’en concluent pas que le chasseur qui tue une pièce est un prestidigitateur ou que la table de Pythagore est une mauvaise plaisanterie. Mais ici elles s’avançaient